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Rostow était encore aux mains îles bolchévistes. Le général se demandait à quoi il allait m’occuper... Sur ces entrefaites, un officier entra, apportant la nouvelle que nos troupes venaient d’occuper Nakhilchevan, qui est un faubourg de Rostow.

— Ce soir, nous serons à Rostow, affirma le général en faisant le signe de croix.

Deux heures plus tard, on apprenait à Novotcherkassk que nos troupes, ayant le général Kalédine à leur tête, étaient entrées à Rostow, et que les bolchévistes, malgré l’appui des matelots de la mer Noire, fuyaient en désordre.

Qu’il me soit permis, avant de continuer mon récit, de dire ce qu’était cette armée qui réussit à prendre Rostow. Si petit était son effectif, qu’elle mérita la dénomination d’armée moins par le nombre que par cet excellent esprit militaire qui lui valut tant de brillants faits d’armes.

Dès le mois de novembre, des officiers, des élèves des écoles militaires, des étudiants et des séminaristes, commencèrent à affluer de toutes parts sur le Don, afin de se grouper autour du nom illustre de l’ataman Kalédine et pour se réunir avec les Cosaques, qui étaient en haute estime parmi les vrais patriotes. La nouvelle s’était répandue que le général Alexéïeff se trouvait sur le Don, qu’on y attendait Korniloff échappé des prisons de Bykhoff avec son fidèle régiment de Tékins. Beaucoup de ces volontaires furent assassinés sur les routes et dans les gares par la plèbe bolchéviste. Mais rien n’arrêta l’élan patriotique de cette jeunesse qui se couvrit d’une gloire éternelle.

Un jour, comme je sortais de mon hôtel, je croisai un groupe de Cadets. L’aîné n’avait pas plus de 17 ans, les autres 15. Ils s’approchèrent avec méfiance et demandèrent à consulter la liste des voyageurs. Je leur demandai qui ils cherchaient. Ils lancèrent le premier nom venu, qui naturellement ne figurait pas sur la liste.

— Ne serait-ce pas l’armée du général Alexéïeff que vous cherchez ? leur demandai-je.

Leurs yeux brillèrent d’un éclat magnifique. A la tête du groupe se tenait un jeune homme dont l’uniforme m’était connu.

— Vous êtes cadet du corps Mikhailovsky de Voronège ? lui dis-je. Mon père fut cadet de la première promotion de votre corps.

La glace était rompue.