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vaste meule rectangulaire, élevée en dos d’âne, les épis en dedans, les tiges en dehors, sauf sur la ligne de faîte, où les fruits sont placés à l’extérieur. Ainsi la pluie, s’il en tombe, prend la pente et ruisselle. On construit des gerbières afin de servir de plus près et plus vite la batteuse. Dès que celle-ci aborde un quartier, un coin du pays, chacun court la retenir. Elle bat à l’ordinaire un quartier par semaine. Le premier inscrit et son voisin partent la chercher où elle vient d’achever. Il faut deux paires de bœufs pour le batteur, deux pour la locomobile. Les gens qu’elle quitte l’ornent de fleurs, dont une est piquée à la boutonnière du mécanicien par la fille de la maison, et l’on démarre péniblement aux abois déchaînés des chiens, dans un grand fracas de ferraille. Sur la route, le tout roule pesamment, écrasant les cailloux, sans poussière presque. On dirait un convoi massif, montueux, retentissant, dominé par la cheminée de la locomobile, que l’on s’étonne de voir se traîner. Un bruit de vapeur souvent l’emplit encore, et, en s’ébranlant, il a jeté un coup de sifflet comme un train... A destination, on détèle. On établit batteur et locomobile sur l’aire, exactement à la file, à distance calculée, le batteur aussi près que possible de la gerbière, à pied d’œuvre.

Voici succinctement ce que sont moteur et mécanisme. La locomobile, comme toutes, comprend un foyer que l’on bourre de bois, une chaudière et son système tubulaire, un piston, un volant double où se développe la force motrice. Le volant, énorme, pèse de 1 300 à 1 500 kilos. Il met en mouvement une courroie de transmission sans fin, en cuir, plate, épaisse, large de 18 centimètres, assemblée par des rivets de cuivre. Le batteur est comme une cage gigantesque. Il dépasse de beaucoup en volume la machine, et l’on se demande comment les flancs étroits de celle-ci animent le corps vaste de celui-là et ses multiples organes : le tambour entouré de ses battes, bandes de feu triangulaires fixées par la base sur lui ; le contre-batteur ou grille en demi-lune, armée de ses arêtes ; les cribles de toute dimension, horizontaux et obliques ; les pelles de ventilation au fond de l’appareil ; la chaîne à godets à l’embouchure de son couloir ; le monte-paille enfin, sorte de trottoir roulant fait de lanières réunies par des lattefeuilles et munies de crochets, qui, articulé à l’arrière, ressemble à un pont mobile à jour, suspendu dans l’espace. Tous organes commandés par une poulie