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et met sous pression. Il doit être prêt à l’arrivée des hommes : et voici que la nuit pâlit... Vie de nomade en résumé, qui change d’aire comme de lit chaque soir.

Parfois, cependant, il est trop tard pour qu’il s’en aille. Alors il abrège la visite du soir, il s’inonde plus que de coutume peut-être, se met à table pour un long repas comme un fils du toit. Souper, causerie, détente... Et puis, c’est la nuit, une nuit pleine, entière, abandonnée. Il arrive, dit-on, qu’elle soit douce aussi... Et c’est pourquoi, le lendemain, au départ, on voit deux (leurs à la boutonnière du mécanicien, des œillets ou des boutons de roses pourpres, qui se penchent l’une vers l’autre comme des lèvres.


VII. — LE COUP DE PLUME


Août 1922.

L’expression est d’un de mes vieux métayers. Il vint me trouver, le mois dernier, quand on décrassait les batteurs.

— J’ai besoin de parler (d’entretenir) monsieur.

— Qu’y a-t-il, Cadderoun ?

— C’est pour la batteuse.

— Vous aurez la même que l’année passée.

— Je sais ; elle travaille bien : la paille en place, le sac prêt à charger, rien dessous, et vite.

— Alors ?

— Elle coûte cher. Trente-cinq sous le sac d’avoine dépiqué, quarante celui de blé.

— Comme tous les autres. Je ne comprends pas.

— Voila. Tant de sous font beaucoup d’argent. Les sacs comptes, c’est lourd.

— En proportion de la récolte. Vous versez beaucoup, parce que vous louchez beaucoup.

— Monsieur touche sans verser.

— Je devine.

— Oui, je viens vous demander de m’aider, de payer les frais de battage par moitié, comme nous partageons.

— C’est tout un changement dans notre contrat, Cadderoun. Il est écrit et signé que, dans l’association, le maître apporte le toit, libre d’impôts et de réparations, la terre, le cheptel de trait et de croit, le train agricole ; le métayer son travail et, comme vous, sa fidélité. D’un mot, tout le capital à fournir est au maître, tout le travail à assurer au métayer.