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De son idée générale, et pour la vérifier, le métaphysicien et l’artiste va maintenant faire l’application aux éléments de son art, et pour commencer, à l’accord parfait. « En combinant par trois, dans le nombre et dans l’espace, l’élément qui nait de la successivité des sons, c’est-à-dire de l’intervalle, on arrive à l’accord primitif, type semblable à tous les types, c’est-à-dire unitaire et ternaire à la fois. Cet accord se nomme pour cela accord parfait. Il existe seul à titre de principe générateur et de synthèse ; dans toutes les classifications trouvées, depuis les plus nombreuses jusqu’aux plus simples, dans toutes les énumérations parfois multipliées jusqu’à l’infini, il n’y a pas un accord qui ne se puisse, directement et d’une manière absolue, ramener à cet accord père, que les musiciens nomment accord parfait. Son existence est, comme je l’ai dit, fondée sur le nombre trois et ses dérivés. Ainsi l’accord est composé de trois sons, il est établi sur l’intervalle ternaire de la gamme, c’est-à-dire la tierce. Dans une gamme quelconque, cet accord se reproduit six fois : trois fois majeur, mineur trois fois.

« De tous les accords possibles à imaginer, il est le seul consonant. L’expression qu’il produit est complète. Etant complète essentiellement, l’expression morale de cet accord est l’harmonie, le calme, la joie paisible et pieuse. Cela n’est guère sensible, dans un genre isolé, qu’à un rêveur comme moi ou à un musicien très habile ; mais -le fait devient évident par le nombre. Ainsi la musique de Palestrina, toute remplie d’accords parfaits et fondée rigoureusement sur ce seul accord et ses dérivés les plus prochains, produit, dit-on, à Rome, un effet dont rien n’approche et dont la parole ne saurait donner une idée. La suavité, l’onction grave, la foi, la sublime majesté, la puissante plénitude de cette musique tient seulement à ce fait et le prouve d’une manière souveraine. »

Après et comme l’accord parfait, la consonance et la dissonance sont étudiées par Charles Gay dans un esprit religieux, voire mystique. C’est le même esprit qu’il faut tâcher de créer en soi pour comprendre des pages telles que celles-ci : « Il est évident que la musique première, telle qu’elle est résultée de la création divine, n’a pu être que parfaitement consonante. Nous ne pouvons guère, dans notre état actuel, concevoir quelle peut être cette musique céleste, toute consonante, complète, à chaque instant inaltérée, souveraine, mais absolument belle,