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éternelle et infinie, en raison même de sa consonance. Placés dans la dualité, créatures faites bonnes, mais devenues mauvaises, nous ne nous élevons pas immédiatement à la perception des faits primitifs et absolus. Nous en avons bien un vague souvenir et comme un ressentiment lointain et dans le nombre et dans le temps. Toutefois, nous pouvons bien croire, sinon comprendre, qu’une musique a existé et existe, en dehors de nous, parfaite, une, variée dans cette unité et à cause même de cette unité, mais sans trace d’éléments hétérogènes et surannés. Il est logique de penser qu’une musique semblable est le produit nécessaire de la création conçue par l’Être et réalisée par le Verbe. Voici donc qu’il y a dans la musique un élément divin, absolu, complet, être lui-même : la consonance. Mais hélas ! dans cet art, cet élément n’est pas seul ; nous trouvons à côté de lui un élément altéré, moins pur, relatif, variable, changeant, incomplet par lui-même ; ici comme partout, dans tous les faits de l’ordre moral et de l’ordre physique, il y a traces de chute. L’effet n’est plus libre, il est précédé, il est suivi, ce n’est plus la pureté divine de l’élément primitif ; c’est toute cette vaste multitude de passions humaines, diverses, légères, inégales, mobiles. L’élément dissonant est l’élément humain, secondaire, altéré, de l’art musical. Il est venu de la chute, comme toute chose incomplète... »

Alors se présente une objection. Le lecteur sans doute l’a déjà formulée, et l’auteur, qui l’attendait, qui l’appelait même, y va répondre :

« On demande comment il se fait que la dissonance, qui, selon nous, est une altération du plan primitif, soit une richesse dans l’art, et véritablement une source, un principe. Il y a plus de variété, nous dit-on, dans votre altération que dans votre système premier. Voici donc que le mal est plus fécond que le bien, ou ce que vous appelez mal ne l’est pas. » Oui, la dissonance est une richesse ; oui, elle est féconde, plus féconde que la consonance, ou du moins plus variée ; oui, elle engendre un nombre immense de nouvelles formules musicales ; elle exprime les mouvements de l’âme les plus énergiques. Il ne s’ensuit pas qu’elle cesse d’être une altération. Quel est, dans l’art, l’élément dramatique ? La lutte du vice avec le bien. La jalousie, la haine, toutes les passions du cœur les plus violentes l’adultère, le meurtre, tous les actes les plus réprouvés sont