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qu’il y ait quelque part, au fond même de notre nature, quelque chose de bien radicalement inébranlable et de bien impérieusement solide pour résister sans intérêt, sans science, les yeux ouverts ou fermés, sans trouble, aux affirmations positives de tant de science, de cœur, de noblesse et d’élévation de toute sorte, qui affirme ce que je regrette. Ces affirmations, je leur ouvre toutes les portes de mon être, et elles n’y entrent pas. Pourquoi ! ! !

» Quoi qu’il en soit, je suis d’une docilité absolue à ce qui se passe en moi. D’où que me vienne la lumière, je la prendrai et je lui demanderai avant tout qu’elle me donne la paix, car il ne convient pas de porter dans un temple un démenti, quel qu’il soit, du cœur ou de l’esprit.

« Adieu, mon très cher et très bon ami, je t’aime et t’aimerai toujours du profond de mon cœur, que Dieu voit et qu’il aime, j’espère. »

L’esprit et le cœur de l’artiste ne tardèrent pas à recouvrer la lumière et la paix. L’un et l’autre bien lui vinrent, ou lui revinrent, comme toujours, du même auteur.

« J’espère que notre pauvre Charles a emporté de Trasforêt de vivifiantes semences [1]. Il était tout ému le jour où il m’a quitté. Que Dieu, qui lui a tant donné, lui accorde un peu de constance ! Jusqu’ici, hélas ! il a été aussi facile de l’attendrir que difficile de le fixer. Malgré tout, j’ai une confiance croissante en son salut. » (9 octobre 1867.)

En 1868, l’abbé Gay retourne à Rome, pour y participer, en qualité de consulteur, aux travaux préparatoires du concile du Vatican. L’état de Gounod, son {{état d’âme, » est de nouveau satisfaisant : « Dieu vient de me donner une grande joie par le retour de mon pauvre Charles. J’avais justement dit la messe pour lui ces jours-ci dans la chapelle, où, il y a vingt-huit ans, je l’avais amené communier après un long écart. »

Autre joie, romaine également, et sensible au musicien non moins qu’au prêtre : « J’ai vu Liszt, dont la tête blanchie se détachait hier au Colisée, parmi celles de mes auditeurs. Il était d’ailleurs venu me rendre visite, dès qu’il avait su mon arrivée. Je l’ai revu avec grand plaisir. Il est bien posé ici et il continue ses études, qu’il ne pourra pas sans doute pousser bien loin, les

  1. Trasforêt était une propriété de la famille Gay, dont Gounod fut souvent l’hôte.