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POÉSIES


MATINÉE


Tout semble ce matin facile et sans limite...
L’eau de la source a l’air de s’écouler plus vite,
Le port d’ouvrir ses bras plus volontiers, la mer
De se tendre, amoureuse, à l’horizon plus clair,
L’église d’appeler plus fort à ses prières.
Le vieux mur de dresser plus haut l’or de ses pierres...
Tout a l’air de goûter des instants absolus.
Avais-je des chagrins hier ? je ne sais plus...
Qu’importe ?... L’univers à mes yeux se révèle.
Je vais, nouveau venu sur la terre nouvelle ;
Je suis contemporain des plus jeunes matins
Où la terre riait à ses futurs destins,
Je communie avec les plus humbles des choses ;
Je plonge avec l’abeille au cœur ouvert des roses...

Bonheur immérité que je n’espérais point...
Est-il vraiment à moi ? N’était-ce pas plus loin
Qu’il devait s’en aller, chez quelqu’un de plus digne ?
Ma demeure, en passant, lui fit-elle le signe,
Tendrement, de venir à mon foyer s’asseoir ?
A-t-il fait halte un jour, doit-il partir ce soir ?