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RETOUR AU PAYS


Y a-t-il si longtemps que je vous ai quitté ?
Est-ce vrai que déjà ce soit un autre été ?
Est-ce vrai, qu’oubliant votre charme sauvage,
Loin de la route blanche et du moelleux rivage,
Je m’agitais là-bas, tandis que vous viviez
Sous la calme clarté de ces vieux oliviers ?
Vous me croyiez absent, je le croyais moi-même
Parfois, mais il n’est point d’absence quand on aime.
Tandis que dans l’affreux tournoiement des cités,
Je passais au milieu des électricités,
Méprisant l’éclat vain de leur splendeur brutale.
Mes yeux étaient emplis de la clarté natale !
Tandis qu’autour de moi mugissaient des autos,
La fontaine en mon cœur égrenait ses cristaux ;
Au milieu de l’odeur du gaz et du pétrole.
J’aspirais le parfum d’une pâle corolle ;
Par delà le réseau des brumes et des fils,
Que, dans la grande ville où vont tous les exils,
On appelle le ciel, faute de le connaître,
J’ouvrais à votre azur toujours une fenêtre...
Si bien que retrouvant, après ce noir tunnel,
Ce chant, cette clarté, ce parfum et ce ciel,
Je n’ai point de surprise et presque point d’ivresse...
Car, malgré que l’absence affine la tendresse.
Je n’ai pu m’en aller, même en le désirant ;
Et vous, beau paysage amoureux et vibrant,
Vous avez possédé celui qui vous possède.
Vous l’avez obsédé de votre charme tiède,
Vous l’avez escorté sur les rudes chemins,
Où s’en vont les désirs et les regrets humains,
Et vous avez si bien mis en lui votre essence
Que votre effacement ne fut pas une absence,
Mais un voile dont votre charme se voila.
Mais une autre façon simplement d’être là...