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SUR
LES CHEMINS DE L’ALBANIE

II[1]


LA CITÉ BYZANTINE

A l’autre extrémité de la plaine brûlante, adossée aux premières marches de ce puissant massif du Tomor qui domine l’Albanie centrale, la ville de Bérat enjambe le fleuve Ossum, étageant le long des rives en gradins ses toits de tuile, ses façades blanches qu’on dirait posées les unes sur les autres. Une citadelle, aperçue de très loin, couronne la colline nue où Bérat s’appuie, et ses vieux murs enferment tout un quartier, isolé par les pentes desséchées, la cité chrétienne. Bérat est la seule ville d’Albanie qui présente cette séparation absolue. Bordant le fleuve, autour du bazar et des mosquées, les maisons musulmanes s’enferment dans leurs jardins. Un hôpital tout neuf attend des malades. Le maire parle de reconstruire ce beau pont de pierre qui fut détruit par les Serbes. On a l’impression d’une cité vivante à la limite de deux déserts, celui de la plaine et celui des montagnes. Mais à mesure que l’on s’élève au flanc de l’âpre colline, on croit découvrir le passé... Une porte voûtée s’ouvre dans le mur où toutes les périodes de l’histoire ont apporté leur pierre. A la base, les puissantes dalles cyclopéennes s’emboîtent les unes dans les autres. Les Romains n’eurent guère à retoucher ce travail de géants. Les Vénitiens refirent la partie supérieure de la muraille, en se servant ici et là des blocs taillés par les Pélasges et qu’ils encastraient parmi leurs moellons. Et les Turcs ont réparé les brèches et construit au sommet de la colline un petit minaret, tout en respectant la

  1. Voyez la Revue du 1er septembre.