Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cité chrétienne. Ainsi quatre civilisations ont remué ces pierres, collaboré à ce massif et se sont abritées derrière cette enceinte… Sitôt qu’on l’a franchie, on se trouve transporté à des siècles de distance, dans la bourgade byzantine demeurée intacte, dédale de ruelles qui s’enchevêtrent autour de la colline. Les maisons se dissimulent pudiquement derrière les hauts murs que dépassent des rameaux de vigne et de figuiers. Parfois une porte s’entr’ouvre, d’amples robes sombres apparaissent une seconde, des visages furtifs, et l’on surprend, à travers un berceau de pampres, une façade blanche aux fenêtres discrètes.

Cette bourgade de 700 habitants ne possède pas moins de vingt-cinq églises, datant toutes de l’époque byzantine. Il faut les chercher dans le labyrinthe des ruelles. Basses, réduites, protégées par des murs, on dirait qu’elles se cachent. En voici une, dérobée au fond d’une étable... On entre dans l’étable obscure. Le toit s’appuie sur de grosses poutres. Mais une porte s’ouvre. Et l’on voit briller, autour des figures de saints, les auréoles d’argent et les fonds d’or des vieux tableaux le long de l’iconostase. Des fresques couvrent les murs.

On pourrait, pendant toute une journée, aller de l’une à l’autre de ces églises, sans arriver à dresser l’inventaire de si nombreux trésors : fresques à demi rongées par l’humidité comme dans cette église à coupole, suspendue au bord de la pente ; bois sculpté des chaires et des iconostases ; anciennes croix d’émail ; tableaux peints sur bois où se détachent de beaux visages sombres, les purs ovales des figures de vierges, sourires mystérieux qui s’effacent ; vieux livres aux reliures d’argent repoussé... L’église métropolitaine, Sainte-Marie, possédait, dit-on, un manuscrit de saint Jean Chrysostome qui a disparu... Combien ces reliques sont impressionnantes, lorsqu’on les découvre ainsi dans les églises secrètes qui les cachèrent au cours des siècles, enveloppées elles-mêmes de mystère, le long des ruelles tortueuses qui se resserrent pour les mieux défendre, et avant autour d’elles leurs fidèles rassemblés !

La cité chrétienne est privée d’eau. L’ancien aqueduc est rompu. Et ce sont les caravanes de petits ânes qui la ravitaillent. Qu’importe !... Au sommet de sa colline, elle respire du moins. Des souffles frais la visitent. Elle regarde à ses pieds la ville moderne oppressée par la chaleur au bord du fleuve, et la plaine où s’attarde l’Ossum, et qu’interrompt brusquement le