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jeunes filles eurent offert le café traditionnel, elle prononça avec feu un discours en albanais qu’on traduisait à mesure, et où s’exhalaient la plainte de l’Albanie menacée et cet immense désir de civilisation et de progrès. Toutes les femmes, autour d’elle, approuvaient du regard, souriaient, applaudissaient. Il fallait bien répondre... faire un discours... le premier de ma vie... Je réunis tout mon courage. Et m’adressant à la présidente, je commençai, la voix un peu troublée :

— N’admirez pas trop l’Occident... Notre civilisation, si vous la connaissiez...


AU CŒUR DE L’ALBANIE, ELBASSAN

— Quand nous sommes arrivés pour la première fois sur ce col, avec mes camarades, le bataillon s’est arrêté d’admiration... dit notre ami Français.

Dès longtemps, Korça a disparu au pied des rampes ocreuses, dans sa coupe de montagnes. La route en corniche au-dessus du lac Maliq envahi de roseaux, traverse une haute vallée, longe, entre les champs de maïs, un cimetière français, — on s’est beau- coup battu au flanc de ces montagnes, — gravit le col. Et, brusquement, le lac d’Ochrida est apparu dans la profondeur.

Il se déploie, en raccourci, pur ovale sous le ciel dont il semble une réplique, et dont le sépare la ceinture de montagnes aux lignes sèches, qui l’enserrent comme un anneau plus foncé. Des sommets rocheux et monotones tout proches le surplombent. C’est là que passait la frontière de 1913. En réalité, les Serbes descendent jusqu’au rivage, occupent ces villages albanais et le monastère de Saint-Naoum dont la silhouette blanche apparaît au bord de la nappe d’azur.

La petite ville de Pogradec, en face, adosse ses maisons à ces collines qui furent témoins de combats héroïques, où les Français, inférieurs en nombre, l’emportèrent.

L’auto s’arrête à Pogradec. Aucune route ne contourne le lac sauvage aux rives escarpées et désertes. Aucun bateau ne sillonne cette glace si incomparablement pure, excepté les embarcations de pêcheurs à la proue relevée, et le petit bateau à moteur qu’un Français conduit tous les deux ou trois jours à Ochrida, transportant marchandises et passagers.

Nous débarquons à la pointe de Lin où les chevaux nous