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venons de citer. C’est que, dans le cas présent, un sentiment profond, une foi vient se mêler à l’examen objectif des faits et a interposé devant l’œil de l’observateur son prisme générateur d’irisation. Et c’est parce qu’un sentiment, parce qu’une croyance métaphysique est en jeu dans l’explication spirite des phénomènes métapsychiques, qu’on a scrupule à discuter ces phénomènes dans la crainte de blesser des âmes ; et c’est pourquoi l’observateur le plus impartial, celui qui essaye le plus honnêtement et le plus consciencieusement de se rendre compte des faits, risque souvent, — nous l’avons éprouvé, — d’être soupçonné des plus noirs desseins et traité plus violemment que le pire criminel.

Certes, dans les discussions purement scientifiques et prétendument objectives, la passion se mêle toujours quelque peu. Nous l’avons vu lorsque Pasteur souleva autour de ses découvertes microbiologiques tant de haines et de discussions amères ou perfides. Nous l’avons vu plus récemment à propos des contributions essentielles apportées dans la science par le modeste et génial Einstein. C’est que forcément-toute grande découverte scientifique gêne des intérêts, blesse des vanités, remet à leur rang des réputations de seconde zone, et c’est pourquoi nous voyons si souvent les considérations subjectives, les accusations personnelles, mêler leur fiel aux discussions qui devraient rester purement techniques. Mais cet inconvénient n’est nulle part aussi grand et aussi gênant que lorsqu’on aborde la métapsychique. C’est qu’ici on touche à un domaine que le spiritisme a annexé à celui de la conscience. C’est un grand malheur pour la recherche de la vérité, et c’est pourquoi on ne saura jamais assez de gré au professeur Richet d’avoir ramené, si j’ose dire, la métapsychique du ciel sur la terre.

Le danger que je viens de signaler ne ressort pas seulement du passage que je viens de citer de Sir Oliver Lodge. Il ressort avec plus d’évidence encore de la phrase suivante de sa première réponse au professeur Richet : « Le professeur Richet... étudie les faits. Il ne se diminue pas à crier à la coïncidence, à la fraude, à la déception [1], au non-sens, quand il se trouve en face d’une évidence frappante... »

Et plus loin Sir Oliver Lodge par le de « l’hypothèse, facile et paresseuse, de la fraude et de la chicanerie, de la déception (tromperie) et

  1. Je cite la Revue métapsychique, mais il est évident qu’elle a mal traduit ici le texte de Sir Oliver Lodge et que le mot anglais deception doit être traduit : tromperie.