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la responsabilité de la guerre incombe à l’Allemagne. Le bourgmestre de Cologne, M. Adenauer, dépeignit en termes pathétiques les souffrances des populations rhénanes sous l’occupation étrangère. Le bourgmestre ne précise pas ; on aimerait à connaître les tourments affreux qu’endurent les Rhénans ; on aimerait surtout à se souvenir d’une protestation, si timide qu’elle ait pu être, de M. Adenauer, quand les soldats allemands commettaient, en Belgique et dans le Nord de la France, les pires atrocités. Quand on connait, — notamment par des études aussi sérieuses, aussi impartiales, que le livre de M. Jean de Pange ou celui de M. J. Aulneau [1], — la situation en Rhénanie et l’état d’esprit des habitants, on ne peut s’empêcher de penser que le bourgmestre de Cologne n’est pas un écho très fidèle de ses concitoyens.

Le bruit a couru que le Congrès catholique voudrait s’adresser au Saint-Père pour le faire juge des responsabilités de la guerre ; peut-être faut-il voir une allusion voilée à ce projet dans les attaques du cardinal Faulhaber, archevêque de Munich, contre la Société des Nations, et dans ses vœux pour une cour de justice international ! Peut-être aussi faut-il chercher une corrélation entre cet appel au Saint-Siège et le regret exprimé, dans un ordre du jour, qu’« à l’occasion des nombreuses conférences d’après guerre, on n’ait pas songé à résoudre la question romaine... Le Saint-Père se trouve à Rome dans une situation intolérable à laquelle il importe de porter remède dans le plus bref délai. » Quel pavé d’ours ! L’histoire ne dit pas comment cet ordre du jour a été accueilli au Vatican et quel effet il a produit en Italie. Les congrès des catholiques allemands nous avaient habitués à plus de tact politique ; ils subissent, eux aussi, l’étrange contagion de folie collective qui s’est emparée de l’Allemagne pendant et depuis la guerre ; leur trouble décèle leurs inquiétudes, et ces inquiétudes mêmes sont un danger. Les Anglais penseront peut-être comme nous que le moment où le Gouvernement de M. Wirth fait du Deutschland über alles un hymne national officiel, est mal choisi pour méconnaître la persistance d’un péril germanique.

Il y a peu de jours, une armée grecque, concentrée en Thrace, menaçait Constantinople ; aujourd’hui, l’armée turque, dans une puissante et victorieuse offensive commencée le 28, a enfoncé la ligne grecque, enlevé Afioum-Karahissar où le chemin de fer venant de Smyrne se soude à la grande voie Constantinople-Adana-Bagdad, pris

  1. Jean de Pange : Les Libertés rhénanes (Perrin) ; J. Aulneau : Le Rhin et la France (Plon).