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en avant, en passant à droite et à gauche du mamelon. Saluant, criant : « Vive l’Empereur ! » les chapeaux au bout des épées, des sabres, des baïonnettes, le maréchal Bernadotte en tête, portant le sien de la même manière, et tout cela au bruit des tambours, de la musique, des canons et d’une vive fusillade.

Après le passage du 1er corps, notre mouvement commença ; nous formions la réserve : elle se composait de 20 bataillons délite, dont 8 de la Garde impériale, 2 de la Garde royale italienne, et 10 de grenadiers et voltigeurs réunis. Derrière nous, marchaient la cavalerie de la Garde et plusieurs bataillons de dragons à pied. Les bataillons d’élite étaient ployés en colonne serrée par division, à distance de déploiement, ayant 80 pièces de canon dans leur intervalle. Cette formidable réserve marchait en ligne de bataille, en grande tenue, bonnets à poil et plumets au vent, les aigles et les flammes découvertes, indiquant d’un regard fier le chemin de la victoire. Dans cet ordre, nous franchîmes la plaine et gravîmes les hauteurs aux cris de « Vive l’Empereur ! » Parvenus sur le plateau que les Russes occupaient quelques instants auparavant, l’Empereur nous arrêta pour nous annoncer, après nous avoir fait signe de la main, qu’il voulait parler. Il dit d’une voix claire et vibrante qui électrisait : « Chasseurs, mes Gardes à cheval viennent de mettre en déroute la Garde impériale russe ; colonels, drapeaux, canons, tout a été pris ; rien n’a résisté à leur intrépide valeur : vous les imiterez. » Il partit aussitôt après pour aller faire la même communication aux autres bataillons de réserve.

L’armée russe était percée dans son centre et coupée en deux tronçons. Celui de gauche, celui qui faisait face à la droite de l’armée française, était aux prises avec les corps des maréchaux Soult et Davoust ; celui de droite, avec les corps de Bernadotte et Lannes. La réserve liait les quatre corps, et tenait séparé ce qui avait été disjoint par les habiles manœuvres du général en chef et la bravoure des soldats. Après un quart d’heure de repos, l’infanterie de la Garde fit un changement de direction à droite pour aller seconder le 4e corps, en marchant sur les hauteurs. Parvenu à la descente qui domine les lacs, je sortis un instant des rangs, et je vis par ce moyen dans la plaine la lutte terrible qui était engagée entre le 4e corps et la portion de l’armée russe qui lui faisait face, ayant les lacs à dos. Nous arrivâmes pour lui donner le coup de grâce, et achever de la