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Dohna, ancien premier ministre du roi de Prusse, près de la petite ville de Rosenberg, où était logée la majeure partie des officiers de la maison impériale.

Il y eut un grande revue de toute la Garde dans la plaine de Finckestein ; un ambassadeur persan se trouvait à cette revue.

18 mai. — Sur une hauteur près de Finckestein, pour y vivre dans des baraques que nous devions construire. Dès notre arrivée on se mit à l’œuvre, et en peu de jours ce fut un camp de plaisance des plus intéressants. Il y eut beaucoup à travailler, bien des bois abattus, bien des maisons démolies pour construire les nôtres. C’était des actes de vandalisme qui affligeaient, mais la guerre fait une excuse.

L’Empereur vint visiter notre camp. Il dut être satisfait, car on y avait pris peine pour le rendre digne de l’auguste visiteur. J’étais ce jour-là de cuisine. Il visita la mienne comme les autres, me fit beaucoup de questions sur notre nourriture et surtout le pain de munition. Je lui dis sans balbutier, et très nettement, qu’il n’était pas bon, surtout pour la soupe. Il demanda à le goûter, je lui en présentai un. Il ôta son gant, en brisa un morceau avec ses doigts, et, après l’avoir mâché, il me le rendit en disant : « En effet, ce pain n’est pas assez bon pour ces messieurs. » Cette réponse m’atterra. Il fit ensuite d’autres questions, mais dans la crainte que je répondisse comme je venais de le faire, le général Goules prit la parole pour moi.

Pendant quelques jours, dans le camp, on ne m’appelait que « le monsieur. » Quoi qu’il en soit, nous eûmes le lendemain du pain blanc pour mettre à la soupe, du riz et une ration d’eau-de-vie de grain, qu’on appelle schnaps. Le mot « messieurs » n’avait pas été dit pour se moquer de mon audacieuse réclamation.


HEILSBERG

Au bivouac, en avant de Saafeld, petite ville de la Prusse ducale. Dans la journée du 5 juin, tous nos avant-postes placés sur la Passarge et l’Aile furent attaqués inopinément et avec vigueur par les Russes, et repoussés sur tous les points. Cette nouvelle arriva au quartier général impérial dans la soirée. Une heure après, l’Empereur, sa suite et toute la Garde étaient en marche pour Saafeld où nous arrivâmes dans la nuit. L’Empereur passa dans nos rangs en voiture, allant très vite ; le grand