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compartiment, des fauteuils confortables ; je suis dans le wagon arrière, avec une petite plate-forme en véranda, d’où l’on peut suivre le développement du paysage. La voie ferrée longe le Rio Motagna, et les grandes bananeraies sont séparées par de vastes forêts où la violence de la végétation témoigne de la richesse du sol. J’y reconnais mes vieux amis géants de l’Afrique tropicale, et des lianes puissantes leur donnent une parure digne d’eux. Dans cette région l’United fruit C° possède des réserves immenses de terres vierges ; la culture de la banane épuise vite le sol ; on le laisse alors reposer et on défriche la forêt prochaine, sans se soucier encore des engrais régénérateurs. Mais on s’inquiète déjà de trouver de nouveaux pays de culture, car la demande augmente. Nous avons, aux Antilles et sur la côte de l’Afrique occidentale, le même climat et les mêmes productions ; la France commence à réclamer aussi des fruits tropicaux, comme les Etats-Unis et l’Angleterre ; attendrons-nous l’arrivée des Anglo-Saxons pour qu’ils servent d’intermédiaires entre nos colonies et la Métropole ?

Nous gravissons des pentes assez fortes. Le paysage change et les plantations de café ont remplacé par places les bananeraies ; elles sont assez étendues et leur produit est de qualité supérieure. Les Allemands détenaient les plantations de café dans la proportion de 40 pour 100. Leur organisation bancaire avait, sur toutes les transactions, une grande influence. Malgré de tels intérêts, la République de Guatemala n’hésita pas à entrer dans la guerre contre les Empires centraux.

Le train a ralenti. Par places, des pâturages : le bétail divague, et nous écrasons successivement deux veaux et un cheval, incidents assez nauséabonds, qui nous retardent un peu. De temps en temps, des espaces pierreux, presque dénudés, avec des euphorbes candélabres qui me rappellent ceux du Dahomey ; il en existe aussi de petits spécimens dans nos serres ; dans leur climat, ce sont des tiges côtelées deux fois grosses comme le bras, hautes de six à dix mètres, couvertes d’épines acérées. De chaque pied partent une dizaine de tiges et, plantés en haies, ils forment une défense terrible dont se couvrent parfois les villages ; Béhanzin, après avoir grisé ses Amazones, les lançait nues contre ce rempart, qu’elles traversaient le coupe-coupe à la main, couvertes de leur sang.

Aux principales stations se presse une population très mêlée