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du Jules Michelet, nous avons immédiatement la libre pratique, sans aucune des restrictions habituelles.

En même temps que M. de Simonin, notre chargé d’affaires, monte à bord le général Babbitt, commandant les troupes des Etats-Unis dans la zone du canal, qui me souhaite la plus affectueuse des bienvenues et m’offre de descendre chez lui pendant notre séjour à Panama : j’accepte sans façon l’invitation si cordiale de mon ancien compagnon d’armes. Puis voici le ministre des Affaires étrangères de la République panaméenne, M. Ricardo Alfaro, qui vient me saluer au nom du Gouvernement.

Je rends ensuite visite à l’hôtel de ville de Colon, où m’attendent les autorités ; les enfants des écoles conduits par leurs maîtres font la haie sur notre passage, où se presse la foule. Dans le bâtiment municipal, le premier alcade prend la parole en son nom et au nom du Gouverneur panaméen ; il parle en français et salue dans la France « le champion du droit et de la liberté, » la protectrice désintéressée des petites nationalités. Je lui réponds que nous nous efforçons d’être dignes de nos pères et de rester fidèles aux traditions de notre race, et je constate qu’il en est de même sur cette rive de l’Atlantique, où la grande République du Nord, en se jetant dans la guerre, a montré une fois de plus sa générosité et sa grandeur d’âme.

Puis je visite un camp d’aviation militaire et un camp d’aviation navale. Comme par hasard, un appareil était prêt à s’envoler dans chaque camp, et je profite de l’occasion qu’on m’offre si aimablement pour survoler à deux reprises le port, la ville de Colon et le débouché du canal. Dans l’après-midi je verrai tout de plus près, en auto, puis en vedette à vapeur, et je visiterai les travaux de défense.

Je suis tout d’abord frappé de la netteté et de la propreté générale, résultat de l’ordre rigoureusement maintenu grâce à la discipline sociale et grâce à l’autorité absolue qui a été conférée aux compétences. En survolant la plaine basse et marécageuse où, dans les eaux stagnantes, devraient pulluler les moustiques véhicules de la fièvre jaune et du paludisme, je remarque partout les canalisations en forme de palme où l’eau coule sans jamais s’arrêter.

Puis je vois le colossal barrage de Gatun qui retient un lac artificiel de 425 kilomètres carrés, où, pendant 38 kilomètres, peuvent naviguer les vapeurs du plus gros tonnage. Le Chagres