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s’était écrié l’aîné, tout ce que je demande, c’est l’imitation de M. de Beaufort. » En 1648, ainsi que le savent les lecteurs d’Alexandre Dumas, le duc de Beaufort, petit-fils de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, avait passé de la galerie couverte établie sur le mur d’enceinte, dans le fossé.

Non non, Conti ne s’amuse guère ; Conti s’ennuie, et combien ! si l’on en juge par l’étrange demande qu’il fait « de deux Jésuites pour s’enfermer avec lui et lui aider à se divertir, ou pour le moins un, » et que ce soit le Père Talon, son confesseur. Demande moins étrange après tout qu’on ne serait tenté de le croire, si le Père Talon garde dans la conversation la verve cocasse de sa formidable Histoire Sainte en quatre volumes in-folio. Avec quelle familiarité éloquente et hardie il y interpelle les héros bibliques !

— « Adam, qu’avez-vous fait ? Pourquoi est-ce que vous vous cachez ? Avez-vous avalé ce morceau qui depuis nous a tous empestés ? »

— « Courage, Joseph, c’est une femme qui vous attaque et vous sollicite ; elle (Mme Putiphar) est légère, soyez constant ; elle a de l’artifice, ayez de la prudence ; elle est hardie, soyez généreux ; elle court, fuyez ; elle flatte, dédaignez-la ; elle demande, refusez-lui ! »

A défaut d’un Jésuite, le prince se contenterait d’un séculier comme l’abbé de Roquette, grand-vicaire de ses abbayes.

Il propose aussi de se « nourrir » à ses frais. Mais M. de Bar ne le permettra jamais ; car les princes, dit-il, « prendront la mesure si juste, qu’il ne restera rien pour les gentilshommes et gardes qui sont auprès de leurs personnes ; et, comme ils sont sous ma charge, je ne consentirai jamais à leur abstinence, tant que j’aurai du pain... D’ailleurs Sa Majesté, pour faire cela aux dépens des prisonniers, sera obligée d’user de contrainte contre les fermiers et intendants de leurs maisons. »

M. de Bar n’avait pas tort ; on en eût pu dire autant des princes, s’ils avaient assumé la charge de leur table. Il leur en eût coûté, pour se nourrir eux-mêmes et défrayer les officiers qui les servaient, cinquante livres par prince et par jour (deux cents francs de 1913), et encore avec une table réduite : « deux plats à Messieurs les deux princes frères, potages et viandes bouillies, rôties, grosses et menues et quatre plats de fruits, et un plat à M. de Longueville qui était à part. » Dubuisson-