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Aubenay, maître d’hôtel du Roi, à qui nous devons ce détail, raconte aussi que, « l’argent du Roi venant à manquer, le sieur de Bar en fournit du sien pendant quelques jours, au bout desquels il dit aux officiers du Roi qu’ils fissent leur avance ce jour-là en attendant qu’il lui vint de l’argent : ce que n’ayant voulu faire, il fit faire la cuisine de son argent par ses propres valets, et voulut que les officiers du Roi portassent ladite viande aux princes à leur ordinaire ; ce qu’eux refusant pour n’être responsables de ladite viande, s’il en arrivait accident, il se mit en grosse colère et frappa de son épée le plus résolu et apparent desdits officiers sur la tête, où il fit contusion et entamure. »

Ce crime de lèse-office émut tellement les officiers du Roi au Palais-Royal, que Louis XIV dut dépêcher au gouverneur de Vincennes le sieur du Cormier, maréchal des logis de ses gendarmes, maître d’hôtel en quartier, et l’écuyer Beaudoin.

Le prince de Conti fut autorisé au mois de juin, non seulement à se promener sur la plate-forme du donjon, mais encore dans le petit parc des daims et la, cour du château. C’était de promenades plus lointaines qu’il rêvait, un voyage aux eaux de Bourbon. Mazarin trouva la demande ridicule ; il craignait qu’une fois à Bourbon, le prince n’interrompit sa cure pour se jeter en Berri, dans la forteresse de Montrond, qui appartenait à son frère.

Conti finira-t-il par sortir de prison sur ordonnance des médecins ? Il a eu des palpitations de cœur en mai, des évanouissements en juin ; en juillet, on a proposé au Parlement de le mettre en liberté « à cause de son indisposition. »

A défaut des médecins, d’anciens amis ou des partisans des princes cherchent depuis longtemps à le tirer du « Bois de Vincennes. » Pendant l’hiver, on avait surpris M. de Beaufort, « en habit déguisé, » essayant d’approcher de la place par les jardins, « se coulant sur le ventre. » On le reconnut heureusement ; sans quoi, il eût été « traité comme un espion. » Et cependant quelques semaines plus tard, rentré en grâce auprès de Mazarin, et opposé à la liberté des princes, il avait dit à leur mère « qu’il la voulait servir, mais qu’il fallait obéir au Roi, » ce qui lui avait valu cette réponse si sévère et méritée : « Plût à Dieu, Monsieur, qu’en lui obéissant, je pusse trouver mon compte et ma sûreté, tout autant que vous y avez trouvé le vôtre en ne pas obéissant. »