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Vers le même temps, un complot avait été ourdi par Gourville, le factotum de la maison de Condé. Des soldats du château, sensibles au prestige militaire de Monsieur le Prince, et non moins sans doute à l’appât de quatre cent mille livres promises par Madame la Princesse douairière, devaient, le dimanche 13 février 1650, tandis que le gouverneur et les officiers seraient à vêpres, barrer les portes de la chapelle au moyen de pièces de bois passées d’un jambage à l’autre dans des anneaux établis d’avance, et crier : « Liberté ! Liberté des princes, et deux cent mille francs à distribuer à ceux qui la leur voudront procurer ! » Un des conjurés, pris de scrupule, avait fait manquer l’affaire en révélant tout, par un billet anonyme, au pénitencier de Notre-Dame.

Le billet expliquait qu’aussitôt après l’arrestation de M. de Bar, la garnison du château forcerait les portes du donjon, et qu’un gros de cavalerie dissimulé au dehors recevrait les princes et les escorterait dans leur fuite. De fait, on sut que quelqu’un « avait proposé au locataire d’une maison appartenant au receveur de Saint-Maur, située au Port-au-Plâtre, de passer un escadron la nuit, et demandé combien il passerait de cavaliers à la fois. »

Un autre complot avait été découvert pendant l’été : deux valets, à l’instigation de plusieurs habitants de Saint-Maur, tentaient de débaucher la garnison. Entreprise peu aisée avec un gouverneur tel que M. de Bar. Il avait déclaré aux princes dès la première affaire : « Si vous songez. Messieurs, à obtenir votre liberté autrement que par les ordres du Roi, cela ira mal. Je suis homme à préférer mon honneur à toute autre considération. » Après l’accident du bougeoir, il avait refusé de laisser le prince de Conti loger en dehors du donjon, dans la capitainerie.

Précaution inutile. Trompant les yeux d’un tel cerbère, une correspondance clandestine s’était établie entre les prisonniers et leurs partisans. Les marges des in-folio, sur grand papier que lisait Condé se couvraient de son écriture. Grâce à un bâton d’encre de Chine et à quelques tuyaux de plume cachés sous son col, les marges se transformaient en billets chiffrés, quittaient le donjon. M. de Montreuil, secrétaire du prince de Conti, qui avait obtenu la permission de rester à Paris, à l’hôtel de Condé (situé sur l’emplacement du théâtre