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escortées de cinquante chevaux et du répriment d’infanterie de M. de Bar, emmenaient les princes et leur suite loin de l’envahisseur. Elles s’arrêtèrent le soir tout près de Montlhery, à Marcoussis, où apparut dans un fond, dominé par une colline, un château féodal du temps de Charles VI. Avec l’ouvrage avancé qui en défendait l’accès, avec ses larges fossés pleins d’eau, les quatre grosses tours rondes et pointues qui la flanquaient aux quatre angles, le donjon qui élevait, au-dessus de la porte, la guérite du guetteur, son pont-levis et sa herse, la formidable bâtisse, en cette fin de journée, devait présenter à ses nouveaux hôtes un aspect quelque peu rébarbatif et farouche. Le garde des sceaux avait eu raison d’écrire au cardinal que Marcoussis n’était pas « moins fort que la Bastille. »

Le coadjuteur cependant aurait préféré la Bastille, Mazarin le Havre. Le duc d’Orléans eût voulu confier les princes à l’une de ses créatures. Il les enfermait volontiers à Marcoussis qui était dans son apanage ; car chaque parti prétendait « tenir en laisse ces. lions, » pour les montrer de loin, quand ses rivaux « voudraient faire les mauvais. »

Conformément aux ordres de Son Altesse Royale, Condé et Conti furent loges dans la même chambre. Cette chambre et celle de Longueville faisaient partie des appartements de l’amiral de Graville, seigneur de Marcoussis au XVe siècle ; les fenêtres à meneaux donnaient sur les jardins et le petit parc. Cinq cents hommes occupèrent le reste du château ; des sentinelles furent placées dans le parc ; six pièces de canon montées sur les tours et la plate-forme de la petite bastille constituant l’ouvrage avancé du château. Bar compléta ces mesures de précaution en faisant « des murements de portes et de fenêtres et autres ouvertures. » Les fenêtres qui regardaient le parc ne furent pas aveuglées, mais de l’Arsenal, on apporta des grilles, et les lions se trouvèrent en cage.

Mazarin s’apprêtait à les transférer au Havre. Leurs amis comptaient ne pas lui en laisser le temps. L’un d’eux se rendit près de Marcoussis, au quartier des troupes qui devaient former l’escorte. Il offrit à un officier dix mille pistoles et l’amitié de MM. de La Mothe et de Richelieu. C’est Le Tellier qui l’écrivit lui-même à Mazarin le 4 septembre 1650.

Cependant Monsieur le Prince recevait souvent de l’argent et des pierreries « pour récompenser ceux qui le servaient au-dedans