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Amboise ? La garnison du Montrond viendrait à leur rencontre. Et M. de Bar tremblait de voir les princes s’accommoder avec Mazarin sans qu’il eût obtenu les faveurs qu’il convoitait, l’abbaye d’Issoire pour un de ses fils, l’abbé d’Etain, et, pour lui-même, le gouvernement de Doullens ! Et le duc d’Orléans soupçonnait Mazarin de négocier secrètement avec les princes !

Sur ces entrefaites, la Reine et Mazarin, qui assiégeaient Madame la Princesse dans Bordeaux, signaient la paix avec elle le 1er octobre 1650. Madame la Princesse se retirait d’abord à Milly, la maison de son frère, le maréchal de Brézé, près de Saumur, puis à Montrond. Tandis que la Cour rentrait à Paris le 15 novembre, l’archiduc Léopold-Guillaume, gouverneur des Pays-Bas, se remettait en marche. Déjà depuis quelque temps, M. de Bar, ne croyant plus au complot de Marcoussis, avait retiré de l’antichambre des princes les trois nouveaux gardes, et Condé en avait averti ses partisans. La conjuration s’était reformée.

Mais, le 14 novembre, deux carrosses à six chevaux et deux charrettes du Roi et de la Reine, un carrosse de louage, à six chevaux également, et trente chevaux de selle étaient arrivés à Marcoussis. On allait transférer les prisonniers à la citadelle du Havre.

Le convoi s’ébranla le 15, escorté d’un corps de cavalerie. A Versailles, près du château, l’élégante gentilhommière de Louis XIII, le carrosse des princes, eut la même mésaventure que celui qui les avait conduits à Vincennes : il versa, et l’on ne repartit que le lendemain.

Quatre mulets attendaient, dont deux pour porter les trois lits des princes et « trois garçons tapissiers pour servir à tendre et détendre lesdits lits à chaque couchée. »

La traversée de la Normandie, gouvernement du duc de Longueville, était particulièrement dangereuse. Mazarin, pour défendre les princes contre le zèle de leurs amis, avait commandé Henri de Lorraine, comte d’Harcourt, et huit cents chevaux. Cette présence du comte d’Harcourt n’était agréable ni aux prisonniers, ni à celui qui en avait la garde. En le voyant, Condé, dans le carrosse où il était assis avec Conti et Longueville, traduisit son impression par quelques rimes d’une épigramme que Boileau trouvait fort plaisante. (Est-elle si plaisante que cela ?)