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Cet homme gros et court,
Si connu dans l’histoire,
Ce grand comte d’Harcourt,
Tout couronné de gloire,
Qui délivra Casal et qui reprit Turin,
Est maintenant recors de Jules Mazarin.


Quant à M. de Bar, il enrageait, se plaignait au cardinal, prenait prétexte de son déplaisir pour demander de l’avancement. RI. le comte d’Harcourt, écrivait-il, « m’ôtant le principal honneur de la conduite de Messeigneurs les princes, faites m’accorder, s’il vous plaît, Monseigneur, celui des provisions de lieutenant général. Il en a été beaucoup fait depuis trois mois. »

Les instructions royales recommandaient d’arriver chaque soir de bonne heure au gîte, et il y avait dans le convoi des princes, si l’on en croit Dubuisson-Aubenay, un chariot chargé de « portes, fenêtres, barres et verrouils pour la sûreté de leurs logis d’une nuit. »

Ils logèrent le 18 à Notre-Dame-de-Grâce, le 19 à Ailly, le 20 à Rouville-d’AIizay devant Pont-de-l’Arche, le 21 à Blainville-les-Rys-sur-AndelIe, le 22 à Saint-Jean-du-Cardonnay, le 23 à Yvetot, le 24 à Saint-Jean-les-Bolbec, le 25 à Courmoulins près de Harfleur. Le voyage avait duré onze jours. C’est seulement le 26 novembre 1650 que l’on atteignit le Havre.

Un peuple nombreux, plein d’admiration pour Condé, de sympathie pour les princes, attendait de chaque côté de la rue Sainte-Catherine. Mais les carrosses prirent une autre rue, se rendirent droit à la citadelle qui dressait sa lourde masse au bord de la mer.

Dans cette nouvelle prison, M. de Bar ne se montra pas moins méfiant que dans les précédentes. Ni lui, ni ses gardes n’entendaient le latin ; cette ignorance l’inquiétait. Si le prêtre qui disait la messe des princes allait mêler à ses Dominus vobiscum quelque dangereux secret ! A Vincennes, du moins, il avait pu s’adjoindre quelques latinistes. Mais l’homme était ingénieux. Il imagina, pour écarter le péril, le moyen le plus simple, le plus pratique et le plus imprévu. Il supplia le cardinal d’obliger le prêtre à dire sa messe en français ! Il n’était que d’y songer.

Les prisonniers aussi étaient ingénieux, et ils ne manquèrent