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y demeurer et entendre aux affaires de sadite maison. » Le 2 décembre, presque à l’agonie, elle avait envoyé un gentilhomme à la Reine « pour l’assurer qu’elle mourait sa très humble servante, comme elle avait toujours été, et qu’elle la conjurait par les entrailles de Jésus-Christ de vouloir avoir pitié de ses enfants, et qu’elle ne désirait tenir leur liberté que de Sa Majesté seule. »

Plus d’un ami, plus d’un partisan ou d’un ambitieux travaillaient à la liberté des princes. L’assemblée du Clergé, considérant Conti comme l’un des siens, quoiqu’il ne fût ni prêtre, ni même sous-diacre, le réclamait. Madame la Princesse s’était adressée au Parlement en faveur de Condé ; la noblesse normande avait failli se soulever, donner la main à un corps de mille Espagnols qui auraient débarqué entre Granville et Cherbourg. Tout un plan se dessinait à Paris dans l’imagination de deux grandes dames. La Palatine Anne de Gonzague de Clèves, fille de Charles de Gonzague, duc de Mantoue et de Nevers, et de Catherine de Lorraine, et femme du comte Palatin, et Louise de Lorraine, marquise de Rhodes, nièce de la duchesse de Chevreuse, avaient formé le projet de réconcilier Mme de Chevreuse avec les princes. Mlle de Chevreuse, fille de la duchesse, épouserait Conti ; elle détacherait de la Cour le coadjuteur, sur qui elle avait tout pouvoir. Un violent effort serait tenté contre Mazarin, dont l’impopularité croissait, malgré la victoire remportée par les troupes royales sur Turenne, à Rethel.

La Palatine et Mme de Rhodes se rendirent chez Mme de Chevreuse, rue Saint-Thomas-du-Louvre. On sait quels miracles opérait « la douce éloquence » d’Anne de Gonzague. Bossuet l’a proclamé dans la chaire du Val-de-Grâce, « tout cédait au charme de ses entretiens. » La duchesse de Chevreuse céda, elle aussi, d’autant plus aisément que sa fille voulait être princesse du sang, et lui « faisait honte de ses hésitations. » Le coadjuteur l’approuvait. La duchesse vit les délégués des prisonniers au Havre : elle proposa, outre la liberté des princes, la main de Mlle de Chevreuse et le gouvernement de Guyenne pour Conti ; pour le coadjuteur, le chapeau ; l’exil pour Mazarin, qui serait remplacé par Châteauneuf, vieux ministre du temps de Richelieu.

Tout en ménageant la réconciliation des princes et de Mlle de Chevreuse contre Mazarin, la Palatine conseillait à Mazarin de s’entendre avec les princes. Mazarin ne sut pas se décider à