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temps. Lorsque, le 2 février 1651, il envoya en ambassade au Havre le maréchal de Gramont et le ministre Lionne, l’occasion était déjà perdue.

Depuis trois jours, un traité, signé chez la Palatine, unissait contre lui les prisonniers à ses nouveaux ennemis. Sans analyser ce document et ses annexes, disons seulement que les princes devaient sortir de prison ; le duc d’Orléans faire entrer au Conseil les gens qu’il lui plairait ; le duc d’Enghien (fils de Monsieur le Prince, et qui était âgé de huit ans), épouser une des filles du duc d’Orléans ; et le prince de Conti, Mlle de Chevreuse.

Le duc d’Orléans demanda bientôt au Parlement la liberté des trois captifs du Havre et le renvoi du cardinal. Fort de ses pouvoirs de lieutenant-général du Royaume, il arma les bourgeois de Paris, leur confia la garde des portes de la ville. Mazarin n’eut plus qu’un désir : s’échapper.

Dans la nuit du 6 au 7 février 1651, six hommes, une casaque rouge sur le dos, sur la tête un chapeau à plumes, sortirent chacun par une porte différente de Paris. Celui qui se présenta à la porte Richelieu vers onze heures du soir, accompagné de cinq serviteurs, était Mazarin. Les autres hommes rouges devaient donner le change aux poursuivants, s’il en survenait. Une escorte de deux cents chevaux attendait le cardinal. Il s’arrêta à Saint-Germain, à Pont-de-l’Arche ; il se dirigeait vers le Havre. Le 9 février, le Parlement le chassait de France, ainsi que sa famille. Le 10, la Reine, qui eût voulu s’éloigner de Paris, mais qui ne le pouvait pas, se laissa arracher l’ordre de délivrer les princes. La Rochefoucauld, le président Viole partirent le 11 avec le secrétaire d’État La Vrillère qui portait l’ordre de la Reine.

Averti par Anne d’Autriche, Mazarin les devança.

Les princes entendirent le 13 février, dans leur prison du Havre, le canon des forts et des vaisseaux qui saluait l’entrée de Mazarin. La porte de leur chambre s’ouvrit, le cardinal était devant eux ; il avait encore ses bottes et son manteau de voyage. ll les salua, et Bar se mit à lire la lettre par laquelle la Reine lui commandait d’exécuter tout ce que prescrirait le cardinal. Conti et Longueville, simples figurants à côté des premiers rôles, Condé et Mazarin, pouvaient goûter l’ironie de la situation : Mazarin apportant la liberté au nom de la Reine ; demandant à Monsieur le Prince son affection pour le Roi, pour la