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Chaque parti comptera ses membres, précisera son programme, arrêtera sa ligne de conduite, et déploiera ses drapeaux.

Des résolutions qui seront prises au cours de ces quelques semaines va dépendre, pendant des années peut-être, la vie du pays. Encore les résolutions ne sont-elles rien, sans l’esprit qui les anime. Je veux assister à la formation des armées qui vont repartir à la conquête de l’opinion, à l’assaut du pouvoir ; quelle apparence ont les soldats ? un air de force ou de décrépitude ? et quelle est l’âme de leurs chefs ?


AU CONGRÈS SOCIALISTE

&& octobre et jours suivants. — Le Congrès socialiste se tient au Teatro lirico : aussi bien y a-t-il toujours, dans des assemblées de ce genre, et du lyrisme, et du théâtre. Grande effervescence devant les portes ; l’ordre est assuré par des jeunes gardes, brassard rouge au bras. Je dois à la vérité de dire que ces socialistes, même révolutionnaires, ont un air parfaitement bourgeois. Les chapeaux mous sont en bataille ; mais la mise est aisée, et je vois des chaînes de montre en or sur des ventres dodus. Je constate cette apparence de prospérité avec un vif plaisir.

Dès l’entrée, une bibliothèque improvisée offre aux arrivants de la bonne littérature : les mémoires de Gorki, la biographie de Lénine. Le bureau est installé sur la scène ; à un décor de montagnes on a ajouté l’ornement de deux palmiers, de deux lauriers, et le buste gigantesque de Karl Marx. Celui-ci, tout blanc entre deux drapeaux rouges, fortement incliné en arrière, a l’air d’un malade qui retombe sur son oreiller. A gauche de la scène, les orateurs se hissent dans une manière de tour drapée d’étoffe rouge ; ils dominent la salle, à la façon d’un acrobate juché sur une échelle pour faire ses exercices.

L’auditoire est houleux. Les loges, où les représentants des différentes tendances se sont groupés suivant leurs affinités, ressemblent à de petites forteresses défendues par leur garnison. L’atmosphère générale est celle d’un Parlement, un jour d’interpellation. Les discoureurs qui se succèdent n’arrivent pas à agir sur l’ensemble ; chacun parle pour son parti, et convainc ceux qui sont déjà convaincus. Les mêmes mots reviennent : maximaliste... centriste... collaboration au pouvoir... ; et les mêmes images. Notre parti, déclare l’honorable Modigliani, en agitant