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n’expulsera pas les majoritaires : mais en même temps, on leur interdira d’accéder au pouvoir. Tel est le débat qui intéresse encore, qui met en jeu les cupidités et les ambitions : faut-il donner à quelques camarades la permission d’entrer dans le ministère ? Faut-il faire prévaloir, au contraire, la tendance de ceux qui, n’ayant aucune chance d’y entrer jamais, en interdisent sévèrement l’accès ? Cette dernière opinion l’emporte, et la dispute est finie. Aussi, quand le représentant officiel des soviets, le Polonais Waletzki, monte à la tribune pour lire la condamnation qu’il avait dès longtemps préparée, personne n’a l’impression du tragique de cette rupture. Elle était prévue ; elle était faite. « La délégation du parti international communiste constate que le parti socialiste italien s’est mis, consciemment et définitivement, hors de l’internationale communiste. » — Tant pis. Les auditeurs souffrent même avec impatience une intervention qui leur semble venir non plus de leurs maîtres, non plus de leurs frères, mais d’étrangers. Clara Zetkine, la. vieille révolutionnaire, la face rubiconde sous ses cheveux blancs, lance l’anathème contre le prolétariat italien : « Votre parti, si vous n’expulsez pas les réformistes, ressemblera à un grand palais, magnifique à l’extérieur, -mais dont les murs intérieurs sont pourris, et qui s’écroulera quelque jour. » Lyrisme inutile ; lyrisme vain.

Tout cela était prévu, décidé, et comme réglé. Voilà pourquoi les discours, les manœuvres, et l’atmosphère même de ce congrès, me donnent toujours davantage l’impression d’un parlement désabusé. Les procédés par lesquels on maintient ici, tant bien que mal, une unité factice ressemblent à ceux qui servent à recueillir une majorité de concentration, à la Chambre. Les dirigeants sont pareils à ces ministres qui cherchent une prolongation de vie dans un succès momentané, sans autre ambition ; d’ailleurs beaucoup d’entre eux sont députés, en effet, et apportent au congrès les habitudes de Monte-Citorio. L’armée qui s’agite devant mes yeux est une armée battue ; j’assiste à un lendemain de défaite, non pas à un renouveau de force ou seulement d’espoir.

Le parti socialiste italien n’obéira pas à Lénine, refusera d’entrer dans l’internationale communiste ; d’autre part, il ne Collaborera pas avec la bourgeoisie dans les conseils du gouvernement : ces deux points sont acquis. Mais il en est d’autres