Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/616

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, pour n’être pas officiellement enregistrés, n’en sont pas moins sûrs. Ce qui faisait sa force, c’était d’abord le nombre ; et voici que ce nombre s’est réduit, a fondu comme neige au soleil. Il ne compte plus que 106 845 inscrits ; parmi eux, 84 000 seulement étaient représentés au congrès ; on n’a enregistré que 79 000 volants. — Ce qui faisait la force du parti, c’est qu’il prétendait adoucir la grande misère des humbles. Mais il n’a été question d’aucune mesure pratique au long de ces cinq journées ; d’aucune. Les préoccupations sociales, seules importantes aujourd’hui, ont été exclues du tournoi oratoire auquel j’ai assisté. Je les ai vainement attendues ; on s’est borné à ces discussions politiques qui n’émeuvent plus les masses, et intéressent à peine les spécialistes du genre. — N’était-ce pas un parti courageux ? Or, la peur du fascisme semble le paralyser. Le fascisme a l’air d’être pour lui un de ces fantômes redoutables auxquels on pense toujours, mais dont on se garde bien de parler à haute voix, de peur d’en (Provoquer l’apparition. Deux ou trois imprudents ont manqué de tact au point de rappeler son existence : que cet ennemi mortel était toujours aux aguets qu’on avait conclu avec lui une trêve, mais qu’il l’entendait à sa manière ; et qu’à vrai dire, il la violait tous les jours Trêve qui ressemble fort, pour les fascistes, à la continuation de la bataille, et pour les socialistes, à l’obligation d’accepter la loi du plus fort... On a feint de ne pas entendre ces téméraires, et on a traité le mal comme s’il n’existait pas, sans doute parce qu’on n’avait pas de remède à proposer. — Ajoutons que le congrès n’a pas révélé l’existence de nouveaux chefs, dont le parti aurait cependant grand besoin. Ceux que j’ai entendus occupent la scène depuis nombre d’années ; leur crédit s’use, leur influence décroît ; ce sont les mêmes ténors qui reprennent les mêmes airs, accueillis par les applaudissements traditionnels ; leur voix n’est plus jeune, et leur chanson est fatiguée. Il ne m’a pas semblé qu’il y eût, parmi ces orateurs, d’originalité ou de puissance ; je n’ai pas été frappé par la révélation d’un caractère ; verbeux, violents, mais non pas efficaces, je n’ai saisi chez ces habitués de la tribune ni le mysticisme qui communique aux foules son exaltation et sa foi, ni la volonté qui domine et organise l’action.

Mais surtout, ce qui constituait comme le levain de cette masse, c’étaient les jeunes âmes éprises d’idéal qui venaient