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spontanément au parti. Quel esprit généreux, vers la vingtième année, commençant à constater la misère et l’injustice de ce bas monde, ne souhaite de toute son ardeur une rénovation sociale ? Et qui n’est pas tenté de se joindre à ceux qui la font espérer toute proche ? Que de fils de bourgeoisie, parmi les meilleurs, que d’intellectuels, parmi les plus nobles, ont apporté au socialisme, avant la guerre, l’appoint de leur désintéressement et de leur valeur ! Or il s’est produit ici ce changement essentiel, que la doctrine ne recrute plus d’adhérents parmi la bourgeoisie, ni parmi les intellectuels. Les excès commis pendant la récente période révolutionnaire ont dégoûté les bonnes volontés ; au lieu d’un effort pour organiser une société meilleure, on a vu le déchaînement brutal des appétits ; on a senti l’anarchie envahissante, et la ruine du pays qui déjà menaçait. L’illusion s’est dissipée, l’auréole s’est évanouie ; les jeunes Italiens d’aujourd’hui se détournent d’un parti qui vient de se montrer, à l’épreuve, néfaste pour la vie nationale, dangereux pour la civilisation humaine.

Cette situation durera-t-elle ? Je ne sais. Ce que je sais, c’est qu’en ce mois d’octobre 1921, en faisant son examen de conscience d’après guerre, le parti socialiste italien laisse une impression profonde d’impuissance et de désarroi.


15 octobre. — Oui, mon sentiment se fortifie et se précise ; ce pays que les étrangers veulent toujours ramener à un passé pour ainsi dire trop glorieux, tend tout entier vers l’avenir. Sa vie économique, que je ne peux nulle part mieux observer qu’ici, dans cette laborieuse Italie du Nord qui ressemble par tant de traits aux régions ouvrières de notre France, sa vie économique est difficile, troublée, incertaine ; mais ce sont là des signes de crise, non pas de dépérissement. La population supporte mal le présent ; ces années qu’on espérait joyeuses et faciles lui semblent lourdes à porter. Toutes les raisons du monde ne prévaudraient pas contre ce sentiment, contre cette sensation. Il faut enregistrer d’abord cette évidente souffrance. Mais il faut, en second lieu, en éviter l’obsession.

Il faut se rappeler que dans l’évolution séculaire d’un peuple, une période de malaise compte peu, si elle est la condition nécessaire d’un long développement heureux. C’est ici le