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Gouvernement ne fait rien pour aider à la reprise des affaires. Ainsi les commis-voyageurs, désabuses, prononcent avec haine le nom de ces deux ennemis, la clientèle et le Gouvernement.

Quant aux impôts, mieux vaut ne pas en parler, c’est un sujet trop triste. Les taxes anciennes sont augmentées, et rendues insupportables ; d’autres sont créées ; un fisc à bout de ressources, et qui veut combler à tout prix un déficit insondable, en crée d’autres encore ; qui sait ce qu’il imaginera demain ? La liste officielle qui les énumère est si longue et si compliquée qu’on s’y perd. Et le contribuable italien, docile, paye, paye toujours. Les communes, dont le budget n’est pas mieux équilibré que celui de l’Etat, fondent sur lui à leur tour, et achèvent de l’écraser. Les convives me racontent, non sans ironie, l’expérience mémorable à laquelle la municipalité de Milan vient de se livrer.

— La prospérité de notre bonne ville, vous la connaissiez, me disent-ils ; vous savez qu’il n’était point d’initiative généreuse qu’elle ne favorisât, au point d’être donnée en exemple aux autres cités italiennes. Elle était riche à millions, littéralement. Or, savez-vous ce qui est arrivé ? Les communistes, qui aux dernières élections se sont emparés du pouvoir, après que l’administration socialiste avait déjà trouvé le moyen de compromettre gravement nos finances, ont entrepris à leur manière la réforme du budget. Ils n’ont pas perdu de temps. Vite, ils ont répandu sur les petits employés de la Ville le flot de leurs bienfaits. En un tournemain, un pompier s’est vu mieux rétribué qu’un colonel, un instituteur primaire mieux qu’un professeur d’Université, un conducteur de tramway mieux qu’un ingénieur des chemins de fer, un balayeur de rues mieux qu’un président de cour. Beau régime, qui n’a eu qu’un inconvénient entre autres, celui de mettre complètement à sec les caisses publiques. Maintenant, c’est fini de rire, le Pactole est tari. En théorie, le traitement moyen d’un fonctionnaire municipal est de quinze mille lires : mais on s’excuse fort de ne pouvoir le lui payer. En théorie, les salaires ont été augmentés de sept cent quinze pour cent depuis la guerre : mais on est navré que les circonstances présentes réduisent à des proportions plus bourgeoises cette belle ascension. Le déficit est déjà de douze millions ; et la municipalité cherche désespérément des prêteurs, fût-ce en Amérique. Mais les financiers