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« La guerre. Plus de voyageurs, ou si peu que rien. Plus d’émigrants : moins de cinquante mille en 1917, moins de trente mille en 1918. Pendant que nos recettes diminuent et tendent vers le minimum, nos dépenses augmentent dans des proportions inouïes. Nous n’avons pas de charbon, nous en achetons. Nous n’avons pas de minerai, nous en achetons, et à quel prix ! pour nos usines de guerre, qui surgissent comme par miracle. Nous n’avons même pas assez de grain pour nous nourrir, et nous en achetons ; pas assez de viande et nous en achetons. Nous nous chargeons d’une dette écrasante envers l’étranger.

« L’après-guerre. Nous sommes écrasés, comme il est logique. Notre budget de cette année est en déficit de dix milliards ; on escomptait quatorze ; de sorte que nous devons nous réjouir de n’avoir que dix milliards d’excédent de dépenses : nous sourions jaune. Nos industries de guerre, dont le développement était nécessaire, mais factice, s’écroulent en partie, non sans les répercussions bancaires les plus fâcheuses. Nous sommes étranglés par le change, et nous avons l’impression que ce sont nos alliés d’hier qui tirent le lacet. Vous voyez que je ne me fais pas d’illusions, et vous ne m’accuserez pas d’un optimisme excessif. Mais quoi ? Ne me laisserez-vous pas énumérer aussi nos raisons d’espérer ? Les étrangers n’ont-ils pas recommencé à franchir les Alpes, et ne suivront-ils pas l’invincible loi qui les attire, depuis qu’il y a une Italie et des Barbares, vers notre soleil ? Nos émigrants ne recommencent-ils pas à franchir les mers ? Il y en a eu quatre cent mille l’an dernier : que l’activité économique reprenne, et nous essaimerons dans tout l’univers. Nos régions dévastées sont presque entièrement reconstruites ; les maux causés à l’agriculture par la guerre sont en grande partie réparés ; malgré l’attrait des villes, nos masses agricoles n’ont pas diminué, et ont même augmenté dans quelques régions. De notre maigre sous-sol nous avons tiré plus que nous n’espérions ; la leçon a été bonne, nous ne l’oublions pas. Et quel effort pour nous libérer ! Quand je vois, le long de nos lignes de chemin de fer, les fils électriques qui s’apprêtent ; quand je pense que nous allons tirer de nos montagnes et de nos sources la force qui nous manquait, et que, d’ici quelques années, nous ne dépendrons plus que dans une faible mesure du charbon de l’étranger : en vérité, je suis plein de joie et de confiance. Qu’on nous accorde des crédits à