Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/625

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longue échéance, qu’on nous facilite l’acquisition des matières premières, et nous sommes sauvés. Il est vrai que cela dépend des autres plus que de nous-mêmes ; point d’accords économiques sans que la paix véritable règne en Europe. Mais en Europe, n’avons-nous pas notre mot à dire ? Et ne devons-nous pas être, précisément, les pacificateurs [1] ?

L’abbé s’arrête un instant dans son discours, me regarde et ajoute :

— Ce qui importe essentiellement chez un peuple, ce qui le sauverait même dans les cas les plus désespérés, c’est sa volonté de vivre. Or, personne ne niera que cette volonté ne soit présente chez nous. La preuve que nous voulons vivre, c’est que nous nous multiplions. Même pendant la guerre, le chiffre des naissances, si diminuées qu’elles fussent, et le chiffre des émigrés rentrant dans la mère-patrie, ont contrebalancé celui des morts. Aujourd’hui, les berceaux sont redevenus plus nombreux que les tombes. La forte natalité qui avait permis à l’Italie d’égaler la France en population, lui permet de la dépasser maintenant. Nous sommes une quarantaine de millions. Nous n’avons pas encore procédé à un nouveau recensement, et il est difficile de donner des chiffres exacts. Mais l’accroissement de notre peuple, régulier, assuré, et comme triomphant, est un fait certain. L’Italie s’augmente tous les jours en forces humaines ; elle n’a pas à craindre les malheurs d’une race qui s’appauvrit et qui diminue ; à supposer qu’elle soit menacée de tous les autres dangers, elle est exempte du pire, de celui qui s’attaquerait aux sources mêmes de la vie.

Nous sortons sans cesser de bavarder. Dans ce faubourg ouvrier où nous tenons nos agapes, dans le vaste parc que nous traversons, sur les places, partout grouillent des enfants.


UNE SOIRÉE CHEZ LES MARIONNETTES

Même au milieu des divertissements, le souci de nos heures difficiles à vivre nous poursuit. Je n’ai trouvé de répit que chez les marionnettes.

Musco, le grand acteur comique sicilien, est ici pour un mois ; je me suis hâté d’aller l’entendre. Il a reçu des fées le

  1. On pourra lire, sur ce même sujet, le beau livre de M. Giorgio Mortara, Prospettive economiche, 1921.