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S. E. LE CARDINAL RATTI. — Au cœur de l’active cité, un calme palais, la vie bourdonne autour de lui, mais la cathédrale l’abrite sous son ombre. Dès qu’on en a franchi les portes, on entre dans le recueillement. On traverse des cloîtres et des portiques, où glissent des robes noires. On gravit des escaliers de pierre larges comme des routes et beaux comme des monuments. On passe dans des salons si vastes qu’on y est comme perdu : on n’en a plus l’habitude. On attend ; et voici qu’apparaît Son Eminence le cardinal Ratti, archevêque de Milan.

Son allure est d’une dignité qui n’exclut pas l’aisance ; il paraît très jeune encore ; il n’est pas voûté, ainsi qu’il arrive d’ordinaire aux gens qui ont vécu courbés sur les livres ; son regard est très pur, son sourire affable. Il est heureux de se retrouver dans sa bonne ville après ses pérégrinations lointaines, il est heureux de se livrer tout entier aux soins de son ministère, pasteur au milieu de son troupeau ; il lui plaît de recevoir tous ceux qui veulent bien venir à lui, et d’aller lui-même au devant des malades et des affligés. Il a rendu visite aux prisonniers ce matin même. Il n’a pas perdu le souvenir des bonnes lettres, fidèles compagnes de sa vie ; il cite le nom des savants français avec lesquels il fut en rapports, lorsqu’il était le gardien des livres précieux et des manuscrits rares. Il parle avec émotion des fêtes célébrées en l’honneur de Dante, qui le réjouissent moins encore en sa qualité de savant que comme Italien. En rendant hommage à Dante, l’univers entier rend hommage à l’Italie, berceau de toute civilisation.

Partis de Dante, qui est à la mode, nous en arrivons à parler du rapprochement entre le Vatican et le Quirinal, qui est à l’ordre du jour. Tous en parlent, même ceux qui n’ont rien à en dire. Ceux qui savent procèdent-ils comme les commerçants, lesquels tiennent leurs projets d’autant plus secrets qu’ils veulent les réaliser plus prochainement, et mènent grand bruit autour de ce qu’ils ne veulent pas faire ?

Je lis dans mes notes l’opinion du cardinal : « Toutes les rumeurs qui circulent au sujet du rapprochement entre le Saint-Siège et le Gouvernement italien ne signifient pas que l’entente doive se réaliser demain. Tant d’articles, tant de discours, tant de propos de toute espèce, auront cependant un résultat : c’est de préparer les esprits et de chercher les voies.