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Mais ils ne précipiteront pas un mouvement qui ne saurait être que le résultat d’une lente évolution. »


MUSSOLINI. — Je ne sais si je pourrai assister au troisième congrès politique, celui des fascistes. Au moins ai-je vu Mussolini.

J’attends dans les bureaux de son journal, le Popolo d’ïlalia ; un bâtiment neuf dans un quartier neuf ; on entend, lorsqu’on entre, le bruit des presses. De tout jeunes gens, des soldats, des femmes, qui ne se contentent pas de ce que peuvent leur dire les sous-ordres, et qui veulent parler au chef en personne, attendent comme moi. Mussolini arrive d’un pas pressé, reçoit le rapport de ses hommes de confiance, leur donne des instructions, les congédie ; je puis entrer.

Voilà donc le lutteur, le dompteur des foules ; celui qui a couru toutes les aventures, tous les dangers ; le condottiere qui fait obéir à sa voix cinq cent mille hommes. Quelle étrange existence. Sorti du peuple, socialiste convaincu, et journaliste révolutionnaire ; se séparant de ses camarades à l’appel de la patrie, engagé volontaire de la première heure après avoir mené une campagne décisive pour l’intervention, grièvement blessé ; après l’armistice, l’adversaire le plus acharné des communistes italiens ; venant au secours de la bourgeoisie incapable de se défendre elle-même, affrontant les socialistes le soir même de leur élection victorieuse, engageant la bataille dans les rues de Milan, et rétablissant l’ordre par la violence ; avide de toutes les jouissances, et considérant la lutte comme la jouissance suprême ; combattant sans cesse, non seulement contre les partis adverses, mais contre ses propres compagnons, pour expulser les infidèles, ramener les hérétiques, réduire à l’impuissance les ambitieux qui sont à l’affût de toutes ses fautes pour provoquer sa chute. Il ne lui manque aucun des traits communs aux grands meneurs, ni un indiscutable courage, ni l’oubli des règles de la morale commune, ni la fascination personnelle, ni le mépris des hommes, mépris qu’il lui plaît de marquer quelquefois par un très apparent dédain. Alors il reçoit les hommages comme un dieu ennuyé.

Il y a des savants qui ont l’air de cordonniers, et des généraux qui ont l’air de professeurs en retraite. Mussolini a l’air de ce qu’il est. Vous le rencontreriez dans la rue que vous vous