Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/642

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retournerez pour le mieux voir. Le teint est basané, le masque énergique ; la figure entièrement rasée a la beauté mâle et farouche des bustes de la Renaissance italienne. Trois choses frappent surtout : le menton fortement marqué, et volontaire ; les lèvres fines et sensuelles ; les yeux surtout, les yeux sombres et ardents.

Oui ; il le sait bien : il est un de ceux qui ont arrêté le bolchévisme dans sa marche envahissante, et qui lui ont décidément fermé les portes de l’Italie. Ce grand corps était menacé d’une infection dangereuse ; il l’a guéri : maintenant, il continue à veiller contre les rechutes possibles. Il ne considère pas sa tâche comme finie, car le patriotisme italien n’est pas encore formé... Comme je l’interromps ici, pour lui dire qu’aux yeux d’un étranger, le patriotisme italien est non seulement formé, mais tout à fait vibrant et comme exaspéré, Mussolini sursaute. Il frappe sur son bureau ; il se penche en avant ; son masque se durcit ; sa voix s’élève. Je n’y entends rien. Le patriotisme italien est bien loin du point où il veut l’amener. Sans doute, il s’est éveillé depuis quelques années, il s’est manifesté pendant la guerre. Mais à présent, comme s’il était pris de lassitude, il s’endort. Des discours, des déclamations patriotiques, tant qu’on voudra. Mais quand on demande des actes, et surtout quand on fait appel à la bourse, il n’y a plus personne. On croit qu’on a tout fait quand on a fait de la rhétorique. Il faut apprendre à l’Italie que ses efforts ne sont pas terminés, exiger d’elle de nouveaux sacrifices, et faire pénétrer jusque dans les classes les plus rebelles le sentiment de la dignité de la nation.

Ainsi par le Mussolini. La sonnerie du téléphone l’interrompt ; il s’agit d’un duel, dont il considère la perspective avec un certain plaisir ; d’autant plus que la police fait tous ses efforts pour intervenir, et qu’on la dépistera : double agrément. — Ce coup de téléphone, bien qu’il ressemble à un procédé utilisé au théâtre, n’est nullement préparé.

J’arrive à la plus grave question. Le fascisme est en pleine évolution ; il était une force d’action, qui s’opposait aux éléments anarchiques ; maintenant, il va devenir un parti. Ce grand changement peut-il s’opérer sans qu’il y ait transformation de substance ? Quel programme le nouveau parti politique adoptera-t-il ?

Mussolini est sûr de lui-même. En matière de politique extérieure,