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Parlons d’abord des cuirassés. L’accord naval nous laisse 221 000 tonnes ; sur lesquelles il y a lieu d’en retrancher i 23 000, par suite de la perte de la France. Car, les navires type Danton ne présentent plus aucune valeur militaire ; il nous reste en réalité six cuirassés, trois Bretagne et trois Courbet : ces derniers mêmes ne portent que des pièces de 305 millimètres, ce qui les rend inférieurs aux moins puissants des navires conservés par l’Angleterre. D’après le pacte naval, les cuirassés type Courbet étaient prévus comme devant être remplacés au cours des années 1927, 1931, 1932, 1933. Notre plan était donc tout tracé, c’était d’attendre l’année 1927 avant de mettre sur cale le premier capital-ship qui nous était alloué. Il est vraisemblable que, même en l’absence de tout engagement, nous eussions été obligés de différer jusqu’à cette date la commande de cette puissante unité ; outre que des devoirs plus impérieux de reconstitution de nos flottes légères ou sous-marines nous conduisaient à porter notre effort vers ces derniers genres de navire, notre position financière rendait difficile l’exécution immédiate d’un programme de grosses unités. Mais le naufrage de la France vient de poser le problème de son remplacement. On ne saurait en effet se dissimuler la gravité de cette perte dans les circonstances présentes. En diminuant notre flotte cuirassée du septième de sa valeur, elle détruit la marge de supériorité que nous possédions à cet égard sur l’Italie. Il n’est pas douteux que nous ne soyons autorisés à remplacer immédiatement le bateau coulé, conformément au chapitre II, partie III, du Traité de Washington. Celui-ci prévoit formellement le cas de perte d’un navire avant l’expiration de sa durée d’amortissement. Mais ce projet se heurtera certainement aux idées des adversaires des cuirassés.

Le capital-ship est l’objet de critiques sévères ; l’amiral Sir Percy Scott a publié dans le Times du 24 mars un réquisitoire contre le cuirassé : « Un gaspillage criminel, néfaste, misérable de l’argent des contribuables anglais, tel est mon jugement sur notre Gouvernement, s’il sanctionne la construction de deux bâtiments de ligne, » et l’amiral s’attache à démontrer que le cuirassé est une arme périmée. Nous pensons que l’honorable amiral est allé beaucoup trop loin ; si l’avenir du cuirassé, en