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Que nous remplacions la France en 1923 ou en 1927, notre puissance offensive cuirassée sera très inférieure à celle des trois grandes Puissances, et équivalente à celle de l’Italie. C’est donc vers des conceptions nouvelles qu’il faut nous tourner, en proscrivant tout ce que le capitaine de frégate Chack, directeur de la Revue Maritime, appelle « le conservatisme naval. » Cet officier rappelle spirituellement qu’en 1895, le vice-amiral inspecteur général déclarait aux élèves du Borda : « La Marine à vapeur n’aura qu’un temps, parce que le vent ne coûte rien. » Les idées des officiers de marine ont heureusement évolué ; il s’est constitué un centre de hautes études qui fait preuve d’un sens remarquable d’adaptation aux idées nouvelles. Toutefois, sans revenir aux jugements bornés de cet Inspecteur général de 1895, il est à craindre que certains chefs militaires éprouvent de la répugnance à s’incliner devant la suprématie des armes modernes. L’inconnu du sous-marin ou de l’hydravion déplaît aux générations qui ont connu l’orgueil du cuirassé invulnérable. Il faut cependant que la France qui, de par le traité de Washington, a renoncé provisoirement à être une Puissance cuirassée, emprunte à d’autres forces le secret de sa défense navale, c’est-à-dire aux unités légères rapides, aux sous-marins et à l’aviation.


On a discuté l’utilité des croiseurs. Autant il serait impardonnable de négliger les découvertes récentes, autant il serait imprudent de renoncer à ces bâtiments de surface qui ont fait leurs preuves et qui sont encore seuls à même d’accomplir certaines missions que ni les sous-marins, ni l’aviation ne sauraient entreprendre. Ces croiseurs sont absolument nécessaires pour éclairer notre escadre de ligne, que son peu de vitesse mettrait à la merci de l’adversaire, pour déblayer la mer des contre-torpilleurs et des torpilleurs ennemis, et pour protéger l’action des nôtres contre les interventions des croiseurs adverses. Ces unités légères sont non moins indispensables pour assurer nos communications avec nos colonies, pour protéger notre marine marchande, pour éclairer et convoyer nos transports de troupes et pour effectuer, le cas échéant, la guerre de course, seule ressource de la nation plus faible vis-à-vis de la nation plus forte sur mer. L’existence même de ces croiseurs est liée au