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développement des escadrilles sous-marines et aériennes, car celles-ci ont besoin de s’appuyer sur des bâtiments de surface.

C’est donc avec juste raison que le programme qui a été adopté le 17 mars par le Sénat, prévoit la construction de trois croiseurs de 8 000 tonnes. Il est de toute nécessité que le nouveau programme, qu’élabore actuellement le Conseil supérieur de la défense nationale, renferme un nombre important de ces unités ; s’il faut fuir le conservatisme naval, il faut se garder de tomber dans le modernisme outrancier. Nous aurons à examiner si les caractéristiques de ces croiseurs doivent être modifiées, notamment dans le sens de l’augmentation du tonnage, pour le rendre aussi voisin que possible du chiffre maximum de 10 000 tonnes, fixé par la Conférence de Washington. Puisque nous parlons des croiseurs, il ne faudrait point omettre que certains bâtiments de commerce, les paquebots, peuvent, d’après les déclarations de Washington, sinon être convertis en navires de guerre, du moins être préparés dès le temps de paix à recevoir un armement de canons de six pouces. L’Allemagne peut ainsi éluder les conséquences du Traité de Versailles, qui limite sa flotte à huit croiseurs cuirassés et huit croiseurs légers, en construisant un nombre considérable de paquebots rapides, qui seront, dès la période de tension diplomatique, changés en croiseurs. Soyons persuadés que l’Allemagne n’y manquera pas. A l’heure actuelle, elle ne construit pas moins de trente-quatre grands transatlantiques. Rien que sur les chantiers Stinnes, il en existe cinq sur cales. La Norddeutscher Lloyd compte armer vingt-huit navires nouveaux, d’un tonnage de 232 000 tonnes, en 1923 [1]. L’exploitation de ces navires en temps de paix sera rendue beaucoup plus facile en Allemagne, par suite du bas prix des salaires des équipages, dû à la baisse du mark.

Il importe de réagir sans tarder contre l’abandon de notre marine marchande. Les nouvelles conditions de l’accord de Washington n’étaient pas nécessaires pour nous démontrer que les navires de commerce font partie intégrante de la force militaire du pays ; un paquebot est un croiseur en gestation, qui se transforme par suite du décret de mobilisation, comme la chrysalide se change en papillon. Il faut donc, parallèlement au

  1. On peut s’étonner, à ce propos, que la France favorise l’essor îles chantiers allemands en leur commandant des paquebots, pendant que nos chantiers restent eux-mêmes déserts.