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que ce délai serait sensiblement réduit pour le plan de construction de la flotte de haute mer, dont la première tranche seulement serait rendue publique. Il y a en effet un gros inconvénient à livrer au monde les intentions de notre état-major général. Outre que ces intentions pourraient être mal interprétées et servir de base à des programmes de représailles, les progrès de la technique moderne et les variations de notre politique étrangère pourraient, dans l’avenir, déjouer nos calculs. A quoi bon se lier les mains ? L’étape de huit années que nous avons assignée à notre plan constitue une prévision maxima.

Dans un autre ordre d’idées, il est essentiel de renoncer à certaines pratiques ruineuses. La marine a absorbé dans ces dernières années des crédits extrêmement importants, qui ont été affectés à la soi-disant modernisation de vieux navires. Ces travaux n’ont en réalité conduit qu’à un gaspillage des deniers publics. Moins que jamais on ne peut faire du vieux avec du neuf, ni espérer transformer des unités démodées pour leur donner une sorte de regain de puissance militaire. Si la rue Royale avait consacré à des travaux neufs les sommes qu’elle a inutilement engouffrées dans ses radoubages stériles, elle aurait pu se constituer une petite escadre de navires neufs. Rien que dans les deux derniers budgets, les dépenses d’entretien au titre de l’artillerie et des constructions navales se montent à 300 millions, dont 100 millions affectés aux réparations de la flotte, sans qu’on aperçoive bien le profit qu’on en ait retiré. Suivons donc l’exemple des autres marines, qui envoient à la vieille ferraille leurs bâtiments anciens, au lieu de se donner l’illusion de la force en prolongeant d’une vie factice l’existence de leurs unités de combat. Il serait possible, dans ces conditions, d’économiser annuellement sur les chapitres de réparations et de réfections une somme de vingt-cinq millions qui pourrait être affectée aux constructions neuves. Ce serait autant à retrancher de l’annuité de 500 millions que nous avons chiffrée plus haut comme nécessaire pour rénover notre matériel naval. L’effort budgétaire se réduirait ainsi à 475 millions. En outre, pour prévoir le remplacement de la France, par un capital-ship ou par trois croiseurs, il faudrait ajouter à ce total une annuité de 100 millions pendant quatre ans, soit un total de 575 millions.

Demandons-nous si nos finances nous permettent de consacrer une telle somme aux constructions neuves. A priori, ce