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en rapport avec la valeur du matériel. Faute de navires modernes, nous continuons à armer de vieux croiseurs cuirassés, 54 avisos et 25 canonnières qui absorbent des effectifs trop considérables, eu égard à l’intérêt militaire de ces navires. En outre, les dépenses des écoles sont excessives. Il y a trop de cerveaux qui étudient, pas assez de bras qui agissent. Quant au nombre des ouvriers, il est follement exagéré ; le personnel civil de la Marine s’élevait encore au 1er janvier 1922 à 36 559 unités, soit presque autant que l’effectif des marins. La plupart des corps de la Marine sont à l’avenant. Les réductions que l’on envisage ne portent que sur 4 917 unités : encore sont-elles subordonnées à un vote aléatoire du Parlement. Comparons à côté du nôtre le projet de budget anglais, qui prévoit le congédiement de 10 000 ouvriers, une compression des effectifs militaires qui atteindra 20 000 hommes et la suppression de deux hauts commandements à terre.

Il est nécessaire que la Marine s’engage dans une voie plus pratique, et qu’elle taille largement dans les dépenses de son budget. Il faut demander au personnel de la rue Royale de faire preuve en l’espèce d’un grand esprit d’abnégation, et d’accompagner ses projets de rénovation du matériel d’une véritable rénovation morale. Lorsque les services de la Marine parviendront à comprimer les dépenses du titre I : frais généraux d’administration et d’entretien de la Marine militaire au chiffre de 500 millions, il sera possible d’affecter plus de 600 millions à la reconstitution de notre flotte, ce qui sera amplement suffisant pour réaliser le programme que nous venons d’esquisser et auquel la perte de la France est venue apporter une regrettable perturbation. Ce jour-là le budget de la Marine aura retrouvé son équilibre et la France une Marine digne d’elle.


RENE LA BRUYERE.