Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/681

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Né en 1809, à Québec, fils d’un petit commerçant pour qui les échéances furent souvent pénibles, le futur historien du Canada descendait de Louis Garnaud, colon poitevin, débarqué en Canada le 27 octobre 1662, et marié le 23 juillet 1663, à Québec, avec Marie Mazoué, de Notre-Dame de Cognes, diocèse de La Rochelle. Le nom de Garneau, sous diverses orthographes, — Garnaud, Garnault, — est encore porté en Poitou et dans les Charcutes ; nous avons personnellement connu un Garnault, qui fut pendant de longues années bibliothécaire municipal à La Rochelle ; il avait écrit plusieurs volumes sur les anciennes relations commerciales de cette ville, notamment avec l’Amérique du Nord. Cette parenté n’est point exceptionnelle ; le tricentenaire de la fondation de Québec, en 1908, fut célébré en plusieurs localités de notre Ouest français comme une fête de famille.

François-Xavier Garneau, formé aux « premières connaissances » par un bon vieillard, ami de son père, fût demeuré sans doute commis dans le comptoir médiocrement achalandé, s’il n’avait été distingué par un prêtre de Québec, qui développa son instruction et le recommanda au supérieur du petit séminaire. Celui-ci lui ouvrit les plus larges facilités pour un cours d’humanités, s’il voulait embrasser l’état ecclésiastique ; mais telle n’était pas la vocation de François-Xavier Garneau ; résolu à travailler dès lors surtout pour lui-même, et cependant obligé de venir en aide aux siens, le jeune homme se fit agréer comme clerc dans une étude de notaire ; il avait alors seize ans. Un jour que ses compagnons de basoche, adolescents britanniques, se moquaient devant lui des Canadiens français, « qui n’avaient même pas d’histoire, » il découvrit par une sorte de révélation le but de sa vie : il serait l’écrivain de cette histoire ; il sentait profondément qu’elle existait, et qu’il ne lui manquait que d’être écrite.

En 1831, à peine âgé de trente-deux ans, François-Xavier Garneau connaît, aussi bien que le français, l’anglais qu’il ignorait presque totalement au début de sa cléricature. Il passe avec succès l’examen de notaire, car il est désormais capable de conseiller les familles en un pays où beaucoup d’Anglo-Saxons vivent mêlés à la population française. Il se suffit convenablement à lui-même, il achète des livres, lit et annote les classiques latins ; ce sont les distractions favorites de ce petit officier