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native de ses concitoyens. Il tient des ancêtres, dont quelques-uns furent peut-être des « coureurs de bois, » une curiosité bienveillante pour les indigènes ; sans doute cette prédisposition atavique a-t-elle facilité à notre auteur, malgré la rareté des documents officiels qu’il a pu consulter, l’intelligence perspicace avec laquelle il juge la politique locale des grands chefs du Canada français, les Frontenac, les Vaudreuil, les Montcalm. Il ne paraît pas que Parkman, qui est l’historien bostonnais de ces mêmes origines, — et dont les livres se distinguent d’ailleurs par tant de charme et de couleur, — ait eu ces intuitions psychologiques sur des populations primitives que l’Anglo-Saxon ignore trop volontiers.

L’éditeur de 1921 insiste avec juste raison sur l’indigence des sources historiques auxquelles pouvait puiser son grand père. Lorsque Garneau commença son travail, autour de l’année 1840, il n’existait encore aucun service d’archives en Canada. Nous pouvons admettre, mais sans en être certain, que les bibliothèques ecclésiastiques de Québec et de Montréal possédaient des exemplaires des œuvres de Champlain, de la Hontan, de la Potherie, et surtout des renseignements sur les missions, documents fondamentaux des célèbres Relations des Jésuites. Mais ce n’est pas avant le milieu du dix-neuvième siècle, — au lendemain de l’Acte d’Union (1840), — que le Gouvernement canadien entreprit, en Europe, un travail systématique de recherche et de transcription des titres officiels de l’histoire canadienne. Garneau n’en eut donc pas connaissance pour sa première édition, parue de 1845 à 1848 ; il n’en posséda que des pièces fragmentaires pour les deux éditions suivantes, en 1852 et 1859. Encore a-t-il peu retouché dans celle-ci ses premiers chapitres, qui allaient jusqu’en 1792, tandis qu’il développait la période plus récente, de la fin du dix-huitième siècle à l’Union.

H nous souvient qu’il y a trente ans environ, en un réduit des greniers qui tenaient lieu alors d’archives au Ministère des Colonies de France, grossoyaient régulièrement trois ou quatre scribes, silencieux et ponctuels, « à l’emploi du Gouvernement canadien ; » ils copiaient des documents entiers, et procédaient à l’inventaire des autres. Les répertoires ainsi dressés, sur les indications de spécialistes experts du Canada, sont naturellement fort inégaux ; on n’en saurait cependant méconnaître l’utilité pour qui étudie, dans un dédale à peine frayé encore,