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le passé colonial de la vieille France. Aujourd’hui, le Canada possède, dans ses bibliothèques et archives publiques, toutes les pièces essentielles de son histoire. M. Hector Garneau a pu, de la sorte, contrôler et compléter l’ouvrage de son grand père ; constatons que cette mise au point critique n’a en rien défiguré le livre initial ; on croirait volontiers que François-Xavier Garneau, exacte incarnation de sa race, avait concentré en lui, et sut admirablement présenter ensuite tous les traits d’un tableau qui doit autant à la tradition qu’au témoignage des documents écrits.

« Notre historien, dit Hector Garneau dans son introduction, ne se contente point de raconter, il critique, il juge, il conclut. » Et c’est probablement pourquoi nous le suivons avec un si constant intérêt. Nous apprécions à chaque page qu’il ne s’isole pas de son sujet, mais que celui-ci le tient tout entier. Il ne ménage pas les observations personnelles sur les choses ni sur les hommes. Parfois des faits de détail lui ont échappé, que l’abondance ultérieure des informations a permis de dégager, mais son jugement remarquablement droit et sain domine de telles imperfections. Cet homme, instruit par un long effort de volonté, se montre équitable pour tous, sans être jamais le prisonnier de personne. Il rend un hommage mérité au zèle apostolique, au désintéressement acharné des missionnaires, et pourtant il ne considère point le Canada comme seulement un pays de missions. Français d’origine et de cœur, il explique lumineusement tout ce que le Canada doit à la France et lui devra jusqu’en son progrès le plus moderne ; et cependant, il déclare que cet essor n’est pas sans obligations envers le libéralisme britannique. Il associe, en un raccourci séduisant, le sentiment et la raison, de sorte que nous pouvons le lire, tout ensemble, avec confiance et avec plaisir.


N’avons-nous pas, en effet, beaucoup à apprendre, aujourd’hui, sur cette « autre France, » émancipée de toute allégeance politique envers l’ancienne métropole, et qui nous rapproche, en dépit de son passé français et de la langue qu’elle par le toujours, de sociétés anglo-saxonnes puissantes, peu et mal connues chez nous ? Telle a été la pensée de M. Gabriel Hanotaux lorsqu’il écrivit la préface qui ouvre la réédition de l’Histoire de Garneau. « La leçon du Canada nous enseigne en sa