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Nous ne reprendrons pas ici la controverse de tant d’histoires coloniales, s’il est possible et s’il vaut mieux garder les indigènes de tout contact avec la civilisation, ou si l’on doit les mêler aux risques de révolution générale. Observons seulement que, de la part des Français en Canada, aussi bien que dans toutes les autres parties du monde, il n’y eut jamais destruction systématique des indigènes, jamais même hostilité déclarée contre les « sauvages ; » ce ne sont pas des Français qui formulèrent le cruel adage : the only good Indian is the dead Indian. Des auxiliaires de ces races, ataviquement adaptées au sol nord-américain, étaient indispensables aux découvreurs ; religieux ou laïques, au cours de leurs voyages, en étaient toujours accompagnés, le P. Marquette passant des grands lacs vers le Mississipi en 1673, Cavelier de la Salle, descendant en 1682 du Canada vers le golfe du Mexique, La Vérendrye et ses fils, au milieu du XVIIIe siècle, traversant toute la prairie jusqu’aux Montagnes Rocheuses. Le nombre des Français était trop faible pour que seuls ils fussent capables de protéger et à plus forte raison d’étendre le territoire de la colonie ; nos compatriotes pratiquaient déjà l’art de s’associer les indigènes.


C’est un Canada complexe, quoique chacun de ses éléments fût relativement faible, que l’Angleterre a hérité de la France, après l’héroïque résistance qu’incarna Montcalm. Nous avons abandonné là-bas beaucoup mieux que des « arpents de neige, » une colonie vivace, laborieuse, touchant déjà à l’aisance et, pour plusieurs, à la fortune, et surtout une race admirable de défricheurs, qui n’a cessé depuis lors de s’affermir et de multiplier. En tant que race, les Canadiens français ne craignent aucune comparaison dans l’Amérique septentrionale ; plus même que les Irlandais, ils sont vigoureux et prolifiques, ils débordent largement du Canada, Dominion britannique, sur les régions voisines des Etats-Unis. La langue française et la religion catholique auxquelles ils tiennent passionnément sont les ciments de leur robuste nationalité. Sincèrement ralliés à la métropole anglaise, ils restent énergiquement eux-mêmes ; dans l’été de 1921, la mission que conduisit le maréchal Fayolle les vit aussi ardents à célébrer leur fête patronale de la Saint-Jean-Baptiste,