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le 25 juin, que, quelques jours plus tard, le 1er juillet, l’anniversaire officiel de la Confédération.

La fidélité aux souvenirs français s’accommode chez eux au loyalisme britannique ; on soutiendrait même sans paradoxe que, de tous les habitants du Dominion, il n’en est pas sur lesquels le Gouvernement central de l’Empire doive plus sûrement compter, parce qu’ils sont les plus indépendants au milieu de l’ambiance absorbante du nouveau continent. Que cette évolution se soit ainsi poursuivie, en exaltant, au lieu de la déprimer, une race de sujets, involontaires et dissidents à l’origine, c’est un fait à l’éloge tant de la ténacité canadienne que du libéralisme britannique. A ce titre, il convient de retenir quelques indications de l’Histoire de Garneau, relatives au lendemain de la conquête, au moment où l’on put se demander, en Angleterre aussi bien qu’en France, si le Canada ne protesterait pas contre la décision tout européenne qui avait disposé de lui. L’épreuve décisive n’a pas tardé : lorsque les colonies américaines de l’Angleterre rompirent avec Londres, et que les Français de Rochambeau et de La Fayette passèrent l’Atlantique pour soutenir leur émancipation, les Canadiens ne bougèrent pas ; vainement des soldats américains parurent devant Québec ; vainement le P. Carroll, puis Franklin lui-même tentèrent d’éveiller une solidarité entre les républicains insurgés et les Canadiens ; ceux-ci répondirent que l’Angleterre respectait leurs lois et coutumes et qu’elle observait les stipulations des traités.

Qu’on ne croie pas cependant que l’Angleterre s’était rangée d’un seul coup à cette politique de sagesse. Les dix premières années de sa domination au Canada furent une période de tâtonnements, de crise politique. En 1764, immédiatement après le traité de Paris, les sentiments dominants à Londres étaient d’hostilité contre les Canadiens ; on voulait les assujettir à la législation anglaise, on ne tolérait qu’impatiemment leur catholicisme, on prétendait les soumettre, aussi bien que les résidents de la Nouvelle-Angleterre, à des taxes qu’ils n’auraient point votées. Mais bientôt, sous l’impression du mouvement séparatiste né dans les futurs Etats-Unis, « les préjugés se tournèrent contre les Américains et les chambres d’Assemblées coloniales ; l’intérêt triompha de l’ignorance et de la passion. » Comment ne pas méditer ces mots si profondément judicieux