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IMAGES
DE
LA FRANCE MEURTRIE [1]

Dans l’hiver de 1917, je passai quelques jours à Fère-en-Tardenois. L’Etat-major était installé au « château, » grand pavillon de briques au milieu d’un jardin, à l’entrée de la ville. Maison cordiale, spacieuse, cossue, atmosphère délicate, partout force tableaux, force vieux meubles charmants. La guerre avait passé par là heureusement sans grand dommage. Des officiers allemands y avaient couché deux ou trois nuits en 1914. On montrait même encore la carte d’un de ces messieurs, glissée dans le cadre d’un Corot : c’était le choix que cet homme de goût s’était réservé dans le butin. La bataille de la Marne avait devancé le déménagement.

Je me souviens avec bonheur de cette semaine passée chez M. Moreau-Nélaton. A cette date, la jolie ville était encore debout, avec sa vieille halle célèbre sous son chapeau de tuiles, et la gracieuse tour de son église flamboyante, jaillissant d’un petit mail qui ombrageait un porche précieux de la Renaissance. Je me promenais charmé en pensant à mon hôte. Absent, il me guidait lui-même, me faisait les honneurs de sa petite patrie. Je reconnaissais tous les traits dont s’était formée sa sensibilité. M. Moreau-Nélaton est un peintre que l’amour des vieilles pierres

  1. Les trésors d’art de la France meurtrie, recueil publié sous la direction de M. André Michel. — I. Ile-de-Francee, par Mi. Marcel Aubert. — II. De la Brie au Laonnois, par M. Etienne Moreau-Nélaton, 2 vol. gr. in-4, Gazette des Beaux-Arts, 106, boulevard Saint-Germain, 1921. Cf. Etienne Moreau-Nélaton : Les Églises de chez nous : Château-Thierry, Soissons, 6 vol. in-4, 1913-1914 ; Chez nous, après les Boches, 1 vol. in-4, 1921, Henri Laurens, édit. Du même auteur : Eugène Delacroix raconté par lui-même, 2 vol. in-4 ; Millet raconté par lui-même, 3 vol. in-4, H. Laurens édit. 1920-22 ; Corot, Fleury, édit. 1905, etc.