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A Madame H. Taine.


Paris, 30 avril 1884.

Madame,

Je suis confus que vous ayez pris la peine de m’écrire pour ce qui ne méritait guère de vous déranger ; il semble qu’on acquitte une dette intellectuelle quand on trouve une occasion d’être agréable à M. Taine ou aux siens : vous ne pouvez pas savoir, madame, tout ce qu’il y a d’admiration pour l’écrivain et de déférence pour son caractère chez les hommes de ma génération.

J’espère que le bon air de la Savoie [1] aura une heureuse influence sur votre santé, et que vous pourrez bientôt en prendre à votre aise avec les décrets tyranniques de votre médecin : je fais des vœux à cette fin, madame, et je vous prie de croire aux respectueux sentiments de votre obéissant et dévoué serviteur.


A H. Taine.


19 octobre 1887.

Monsieur,

Je rentre à Paris au moment où la mort vient de faire plusieurs vides dans l’Académie. Déjà quand la succession de M. Caro s’ouvrit, quelques-uns de vos confrères et de nos amis m’avaient offert leurs bons offices ; je dus alors décliner ces offres, par un scrupule d’amitié que vous connaissez. Aujourd’hui ma liberté d’action m’est rendue. Je ne me fais aucune illusion sur mes titres, le poids en est encore bien léger ; mais le nombre des places vacantes, la multiplicité des concurrents que je vois surgir, tout m’encourage à vaincre ma timidité et à tenter l’épreuve. Si mon ambition est prématurée, la faute en est surtout à vous, monsieur, au jugement favorable que vous avez porté sur mes travaux et aux marques d’intérêt que vous m’avez données. Je me résous donc à poser ma candidature à l’un des trois fauteuils vacants (très probablement à celui de M. de Vielcastel, mais ceci dépend encore des conseils que me donneront mes amis, presque tous absents de Paris en ce moment.) Ne sachant pas si vous rentrerez prochainement, je veux avant toute autre démarche réclamer votre appui. J’espère

  1. M. et Mme Taine étaient alors comme tous les ans dans leur propriété de Boringe, à Menthon Saint-Bernard (Haute-Savoie.)