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objet. Mon esprit voit différemment certains aspects des mêmes choses, parce qu’il est d’une autre famille ; mais il garde assez de liberté et de justice pour admirer comme une bête cette incomparable puissance. J’ai la sensation d’une trouée faite dans mon crâne, avec un pic de diamant comme ceux des machines qui percèrent les Alpes de part en part.

Voilà de la fierté pour nous tous, en ce pays, pour vous d’abord, mademoiselle. Je vous en fais mes compliments et vous renouvelle les respectueux hommages de votre fidèle serviteur.

P.-S. — Je demeure particulièrement stupide devant cette phrase, page 483 : « De plus,... tout son passé [1]. » Je ne sais pas d’exemple d’une vérité philosophique aussi fortement et clairement démontrée dans une image.


A Madame H. Taine.


Vals-les-Bains (Ardèche), 4 septembre 1891.

Madame,

Je n’avais pas répondu à la lettre que vous avez bien voulu m’adresser au Pouliguen, dans l’espoir où j’étais de vous porter ma réponse de vive voix. On me remet votre lettre de mercredi dernier ; il faut bien que je vous dise mes regrets et les raisons qui me forcent d’abandonner un projet auquel j’étais très attaché. J’aurai terminé le 10 ma beuverie d’eau vivaroise ; le temps de retourner au Pouliguen, et il ne me restera plus guère que quinze jours de vacances à passer avec mes enfants, avec nos parentes russes qui vont regagner leur pays dès le commencement d’octobre. Un détour sur Annecy me retarderait de plusieurs jours : ce serait un mauvais procédé envers ces parentes que j’ai à peine vues et qui me réclament avec insistance au Pouliguen ; en outre, après ces semaines de complète solitude à Vals, j’ai grande hâte de rejoindre les enfants et de jouir avec eux de leurs derniers jours de liberté. Vous comprendrez cet « état d’âme, » et vous serez assez bonne pour remettre à une autre année vos intentions hospitalières. Je renoncerais moins facilement à en profiter, je vous prie de le

  1. Cette phrase se trouve à la page 129 du tome III du Régime Moderne (édition in-16) ; Hachette. « De plus, par la répétition périodique des mêmes actes aux mêmes heures, il (le religieux) s’enferme dans un cycle d’habitudes qui sont des forces et des forces croissantes, puisqu’elles mettent incessamment dans le même plateau de sa balance intérieure le poids croissant de tout son passé. »