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A la même.


1er mai 1907.

Chère madame,

J’ai reçu le tome IV de la Correspondance, j’ai lu avec une hâte impatiente ces belles lettres. Les volumes antérieurs avaient pour moi comme pour tous un grand intérêt historique : mais celui-ci ! C’est pour une bonne part le miroir où repassent des figures que j’ai connues, aimées ; j’y retrouve les chers amis disparus, j’ai la fierté d’y retrouver mon propre nom. La pensée de votre père se meut dans l’air que j’ai respiré, qu’elle illuminait de ses hautes clartés. C’est assez vous dire avec quelle émotion je lis ces lettres. Elles font honneur à la grande mémoire de celui qui les a écrites : il y apparaît si simple et si sincère dans les luttes passionnées que ses livres déchaînaient autour de lui, si amical, si équitable pour tous les efforts des intelligences qu’il guidait ! Vous continuez de lui rendre avec cette publication un service filial ; et je vous remercie, chère amie, du mot qui met sur mon exemplaire une note plus intime.


A la même.


7 septembre 1907.

Chère madame.

Votre lettre me rassure sur l’exactitude du léger crayon, trop rapide, trop sommaire, qui essayait encore une fois de faire revivre quelques traits d’une chère physionomie [1].

Ma femme est revenue de Vichy un peu retapée, heureuse de rentrer chez elle après un mois de vie ennuyeuse entre les dys- peptiques qu’elle fréquentait. Pour mon compte, je n’ai pas bougé de mon ermitage de la rue de Varenne, j’y ai vécu tout l’été en Robinson, entre une portée de petits chiens que m’avait donnée ma chienne, et une portée de petits chats, descendance de la regrettée Siamoise. Avant-hier seulement je me suis évadé de Paris, pour quelques jours ; je les emploie à fusiller des perdreaux dans ces steppes de Camargue, si semblables à celles de Russie, et où je relis le soir les descriptions de Tourguénef, qui auraient pu être écrites ici. Le ciel est torride, mais

  1. E.-M. de Vogüé avait écrit le 30 août 1907 dans le Journal des Débats un article sur le tome IV de la Correspondance de Taine ; cet article fut recueilli dans les Routes, p. 180 et suivantes.