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l’aristocratique et la populaire, et c’est comme le mariage de deux noblesses égales... »

Est-il besoin de vous dire que j’ai lu Etienne Mayran avec un intérêt avide ? L’introduction de Bourget était du grand Bourget, celui de derrière les fagots, et de la cuvée des Essais psychologiques. Mais je suis de l’avis du très judicieux Victor Giraud qui faisait cette réserve : « Si M. Taine a jeté la plume du romancier, c’était moins par doute de son esthétique que par un mouvement de pudeur intime, par crainte de se dévoiler dans les confidences autobiographiques où il sentait que son roman l’inclinerait fatalement. » Oui, si nous ne possédons pas la suite de cette œuvre rare et singulière, c’est que votre père était aussi jaloux de celer son âme qu’une jeune fille son corps : il s’est rhabillé en frissonnant après avoir commencé de se dévêtir sous des regards indiscrets. On l’en estime mieux, mais combien nous y perdons !

Je vais retourner pour quelques jours en Russie, comme le héros de Tourguénef, dans la Nichée de jeunes seigneurs, revient à la maison où les adultes qu’il avait vus enfants ne le reconnaissent plus. L’Académie veut que je la représente aux fêtes du Centenaire de Gogol, à Moscou [1]. C’est beaucoup de verstes pour le grand-papa que je suis devenu ; mais il faut marcher ; si je ne marchais pas, personne ne répondrait à l’invitation, et il convient que la France ne soit pas absente d’une solennité où tous les cœurs russes battront d’un même élan...


EUGENE-MELCHIOR DE VOGÜÉ.

  1. Voyez dans Sous les Lauriers, p. 283 et suiv. , 1 vol. in-16. Bloud, le discours prononcé par l’auteur du Roman russe à l’inauguration ou monument élevé à la mémoire de Nicolas Gogol le 9 mai 1909, et dans les Routes, p. 53 et suivantes, l’article sur les Fêtes de Gogol à Moscou.